La boussole IG

L’approche « sucres lents » versus « sucres rapides », aussi binaire qu’inefficace et infondée, continue d’induire en erreur bien des mangeurs. L’indice ou index glycémique (IG) est, au contraire, une méthode fiable, bien plus simple qu’il n’y paraît, pour être et rester en bonne santé. De quoi s’agit-il ? Comment ça marche ? Voyons tout cela.

Débarrassons-nous, enfin, de cette fausse dichotomie sucres rapides vs lents. Tous les sucres, quels qu’ils soient, passent dans le sang à la même vitesse. Ne les confondons toutefois pas avec les sucres simples et ceux dits « complexes », une classification chimique tout à fait effective, mais amenée à disparaître elle aussi avec la notion d’IG. La différence entre les deux repose sur le niveau de complexité de leur structure chimique. Les premiers sont ces « oses », composés d’une ou deux molécules et peu d’amidon, plus « simples » à décomposer par les enzymes que les sucres « complexes » à dégrader (dû à leur grande chaîne de molécules), principalement l’amidon et l’inuline, afin d’être transformés en sucre simple.

Dispense de cours de physiologie

Nous ne passerons pas ici par la case physiologique, l’ayant fait ailleurs, pour nous concentrer et rester concis sur l’indice glycémique en pratique. Nous ne reviendrons donc pas en détail sur les mécanismes métaboliques en jeu dans la gestion, par l’organisme, des sucres quels qu’ils soient, impliquant le pancréas et l’insuline, le glucose et la glycémie, etc.

Nous ne nous aventurerons pas non plus dans le monde des indices et autres charges (insulinique, ORAC, PRAL), qui gagnent à être connus pour qui n’en a pas encore entendu parler. Soulignons ici l’intérêt très limité, et surtout biaisé, de l’indice d’informations nutritionnelles le plus répandu (Nutri-Score) au détriment d’autres, bien plus pertinents et salutaires (Nova, Siga). De même, les recommandations officielles (PNNS) sont élaborées avec des biais divers et ne prennent toujours pas en compte l’impact de l’ultra-transformation ni du raffinage alimentaire, ô combien délétères.

L’IG : un outil bien pratique

Il s’agit d’une méthode fiable pour classer les aliments contenant des glucides, que sont :

– les fruits et certains légumes, frais et secs, dont les légumineuses, les amylacées et les féculents (pommes de terre),

les céréales (blés « moderne » et anciens, avoine, maïs, riz, etc.) et produits céréaliers (pain, pâtes, pizza, etc.),

– les produits sucrés (gâteaux, biscuits, viennoiseries, friandises, glaces, etc.),

– les vrais et faux sucres (sucres dits de table, miels, cassonade ou vergeoise naturelle ou artificielle, mélasses, sirops divers et variés, naturels ou industriels, etc.),

les produits laitiers (sauf le beurre et le fromage),

– certains alcools (liquoreux),

– les boissons sucrées, que les sucres y soient naturellement présents (jus de fruits, même frais, sans sucres ajoutés, maison et bio) ou ajoutés (sodas).

IG bas =
inférieur à 55
IG moyen ou modéré = entre 55 et 70
IG élevé =
70 et plus
Référence :
IG = 100
du glucose pur
ou du pain blanc

L’indice glycémique correspond à la capacité d’un aliment contenant des glucides à élever la glycémie dans le sang pour 100g d’aliment. L’IG est en lien avec la qualité d’un aliment ou d’une boisson consommés, tandis que la charge glycémique (CG) repose sur la quantité d’aliment ingéré par rapport à son IG. L’indice glycémique est mesuré en laboratoire, donnant lieu à des repères (généraux plutôt que stricts) reportés dans un « tableau » ou « référentiel » d’indices glycémiques. La variabilité des résultats s’explique par différents facteurs tels que la maturation, la préparation (découpe) et la cuisson des végétaux, ainsi que la qualité nutritionnelle de l’aliment testé et le laboratoire à l’origine des tests. Nous verrons aussi comment les associations d’aliments, la chronobiologie ou encore le degré de transformation alimentaire peuvent réduire ou, au contraire, élever l’IG d’un aliment ou d’un repas glucidique.

Amylose et amylopectine

Les glucides complexes peuvent être composés de types d’amidon différents, entre autres, l’amylose et l’amylopectine. Le premier résiste bien mieux au travail des enzymes, chargées de découper et de digérer les glucides, que le second. Ce dernier est plus rapidement dégradé et digéré, donc plus « glycémiant » (faisant remonter plus fortement le taux de sucre dans le sang). De fait, les céréales, les féculents et les légumineuses riches en amylopectine ont un IG plus élevé que celles qui contiennent davantage d’amylose, à l’IG bas à modéré.

Prenons l’exemple du riz Basmati, riche en amylose et pauvre en amylopectine, repérable à sa couleur translucide, moins blanc quand il est sec que d’autres. Qu’il soit raffiné (blanc), semi-complet ou complet, son IG restera bas à modéré, sous réserve d’être cuit al dente (voir ci-après) et consommé en quantité raisonnable.

Les autres riz, hormis le riz sauvage à l’IG bas lui-aussi, ont un IG modéré (rouge, Camargue) à élevé (blanc, rond ou arborio pour risotto, gluant, cuisson rapide).

Gélatinisation

L’amidon des céréales, lorsqu’il est trop cuit, devient un glucide simple hyperglycémiant (IG +). Il se gélatinise. Comparez un riz cuit juste ce qu’il faut à l’étouffé, façon indienne ou asiatique, et un autre cuit dans un grand volume d’eau et un peu trop longtemps. L’un a un aspect sec, l’autre pâteux. Avec une assiette de pâtes de la cantine (très cuites et souvent recuites), donc gélatinisées à souhait, l’IG s’élève à vitesse grand V, sans parler de l’aspect peu appétissant, de la texture déplaisante et du goût passablement insipide. Les petits pains de hamburgers industriels sont aussi issus d’un processus de gélatinisation. Vous avez peu à mâcher, les enzymes à dégrader, le tout, au détriment de votre glycémie. Plus la texture est molle, nécessitant peu de mastication, et plus l’IG grimpe en flèche.

La mie du pain ou encore le moelleux d’un gâteau (maison comme industriel) ne sont autres que ce processus de gélatinisation à l’IG modéré à élevé (selon le degré de raffinage, donc la présence de fibres de la farine utilisée, le thermostat de cuisson, l’association avec d’autres aliments, etc.). Aussi est-il judicieux de réserver ces aliments pour l’occasion et de privilégier les biscuits secs type petit beurre, nature ou au chocolat, surtout s’il est noir.

Amidon résistant

L’indice glycémique d’une pomme de terre consommée chaude, et plus encore réduite en purée, sera bien supérieur à celui d’une autre, coupée en dés, si elle est mangée refroidie (après avoir été cuite à la vapeur douce de préférence). Son amidon sera alors résistant (c’est son nom). Non seulement son IG sera abaissé, mais en plus, elle devient un probiotique, autrement dit, un met très apprécié par le microbiote intestinal.

L’amidon résistant améliore la sensibilité à l’insuline, l’hormone de stockage des graisses, il est hypoglycémiant et satiétogène, bénéfique pour le microbiote et plus généralement le côlon (prévention des pathologies dans cette zone). Toutes les céréales peuvent donner lieu à un amidon résistant : pâtes, riz, sarrasin, etc., dès lors que ces aliments sont cuits al dente et mangés refroidis.

À propos de pommes de terre, essayez de les remplacer, pour épaissir votre soupe, par des légumineuses. Elle sera plus savoureuse et votre glycémie diminuée.

Raffinage

Si le riz Basmati, riche en amylose à l’IG bas à modéré, peut être consommé quasiment indifféremment selon son degré de raffinage, il n’en est pas de même pour les autres céréales. Le pain et les pâtes « blanches », à base de blé raffiné, donc quasiment dépourvus de fibres, ont un IG plus élevé que leurs équivalents peu ou pas raffinés (complet/intégral ou semi-complet).

Fibres

Les fibres
d’une copieuse
portion de légumes
au cours du repas
sont une excellente
idée pour abaisser
la glycémie totale
de votre repas.

Plus la matrice d’un aliment est préservée, plus son IG l’est aussi. En effet, celui d’une céréale raffinée, par exemple, sera bien plus hyperglycémiante que sa congénère non ou partiellement privée de ses fibres. Dans ce cas, l’arrivée de glucides se fait par palier et l’apport d’énergie « en plateau », ainsi, la glycémie reste stable dans la durée. Les fibres ont la capacité, entre autres, de réduire non seulement la glycémie d’un aliment, mais aussi celle de l’ensemble du repas.

Teneur en polyphénols

Comme les fibres, la teneur en polyphénols (antioxydants) d’un aliment aide à réduire son impact glycémique. Une patate douce, bien plus riche en composés phénoliques qu’une pomme de terre, a un score des plus honorables en termes d’IG pour un féculent (plus précisément une amylacée). Elle a aussi plus de goût et, pour les variétés orangées, plus d’éclat dans l’assiette.

Une tasse de thé vert bue au moment du repas peut réduire l’IG d’un repas, ainsi que le sucre sanguin. Attention, les polyphénols du thé vert ont tendance à chélater le fer apporté par les aliments : si vous êtes carencé.e en fer, préférez boire votre thé en dehors des repas.

Transformation (découpe et cuisson)

Les féculents, les légumineuses, les légumes et les fruits que vous faites cuire gagnent aussi à être l’être de manière douce et brève, une cuisson vapeur sans auto-clave type Cocotte-minute®, dont la haute température détruit, en outre, la plupart des micronutriments protecteurs. Cette manière de faire est importante pour maintenir ou réduire un IG, la transformation des végétaux aussi.

Plus un légume sera coupé en très petits morceaux, plus encore s’il est réduit en purée ou, pour un fruit, en compote, plus l’IG s’élève. En jus, il le sera encore davantage, qu’il s’agisse de jus de légumes, même à l’extracteur, ou de fruits. Pour la simple raison que la matrice est ainsi partiellement, voire complètement altérée. Plus elle l’est, plus l’indice glycémique augmente. Rappelez-vous, plus c’est mou ou liquide, plus l’IG est élevé.

Ultra-transformation

Nous ne nous attarderons pas sur les produits ultra-transformés, dont nous avons parlé ailleurs. Rappelons simplement ici qu’ils ont généralement un IG élevé, souvent repérables à leur texture molle, ainsi qu’un indice de satiété globalement bas. Les aliments qui en sont la base (blé, pois, maïs, pomme de terre, etc) sont non seulement issus du cracking, un processus de fractionnement puis de recombinaison, et en général hautement chauffés, ce qui détruit à la fois la matrice et les micronutriments protecteurs, et notamment les fibres et les antioxydants.

Arrêtons-nous sur les galettes de riz soufflé, un produit phare des rayons diététiques et/ou bio. Pourtant, le riz à partir duquel elles sont fabriquées a tout perdu (fibres, nutriments, etc.), mais gagné en apport en sucre, même naturel. Le riz blanc ayant, à la base, un IG élevé, il le devient ici encore plus. Ces galettes sont comparables, en termes de process industriel (d’extrusion), aux céréales pour le petit déjeuner destinées aux enfants et adolescents, à la différence que les secondes sont, en plus, additionnées de sucre et, quelquefois, d’additifs.

Sans gluten

Partie d’une alternative intéressante pour les personnes souffrantes de maladie cœliaque ou d’hypersensibilité au gluten, la protéine forte du blé, l’offre de produits sans gluten peut avoir de sérieux effets pernicieux. Pour remplacer le blé, beaucoup contiennent toutes sortes de fécules (issues de céréales les plus glycémiantes, telles que maïs, riz, pomme de terre), d’amidon recombiné, voire d’additifs. Quoi qu’il en soit, il suffit de lire la liste des ingrédients, souvent effroyablement longue, pour réaliser que cette alternative n’est peut-être pas la bonne…

Maturité des fruits frais

Attention aux fruits au sirop contenant le sucre naturel
du fruit, mais aussi celui, ajouté,
du sirop.

La plupart des fruits consommés entiers ont un IG bas, voire très bas (inférieur à 55). Toutefois, cet indice peut être variable suivant le degré de maturité. Par exemple, une banane tout juste mûre (ferme) fera moins monter la glycémie sanguine qu’une autre très mûre (molle et tachée). Notons que l’ananas frais et le melon affichent un IG modéré, la pastèque un IG plus élevé. Toutefois, sa teneur en glucides restant faible, la charge glycémique de ce fruit reste très acceptable, d’autant qu’il est rare de manger une pastèque entière.

Fiez-vous à votre palais : lorsque vous mangez goulûment une grande quantité de cerises de saison comparée à une autre de framboises, vous ferez vite la différence en termes de teneur en sucre.

Graisses et protéines

L’association d’un aliment à IG élevé verra son score sensiblement baisser s’il est accompagné d’une belle rasade d’huile végétale et/ou d’une portion de protéine. Les deux nutriments, en ralentissant la vidange gastrique (l’estomac qui se vide après avoir mixé son contenu), modifient favorablement l’IG de l’aliment glucidique.

Attention toutefois à éviter d’associer ce que la naturopathie appelle une « protéine forte » (viande rouge) avec un aliment riche en amidon (pâtes, pommes de terre) : la digestion sera certes rallongée, mais aussi probablement perturbée (lourdeur digestive, ballonnement, malabsorption des nutriments, etc.).

Composés acides

Une pâte à pain préparée au levain offrira un IG moindre qu’une baguette, de surcroît de pain blanc, à l’IG élevé. De même, le vinaigre qui, en ralentissant la digestion de l’amidon, abaisse significativement le taux de sucre sanguin (entre 15 et 30%). Assaisonnez généreusement de vinaigre de cidre de qualité (sans sulfites ajoutés) vos crudités et l’IG de votre repas s’en trouvera diminué. Le vinaigre est aussi un allié pour améliorer la sensibilité à l’insuline.

Les clés d’un repas à IG bas à modéré en résumé

Réservez
vos douceurs
sucrées
pour le goûter !
L’heure
d’une insulino-
résistance
naturelle
par l’organisme,
qui réagira moins fortement
au sucre ingéré.

En toute simplicité et surtout avec bon sens, il s’agit de privilégier des aliments contenant des glucides riches en amylose, en fibres, en polyphénols et en composés acides, laissés entiers, cuits al dente, qui nécessitent d’être mastiqués plutôt que pré-mâchés, peu ou pas raffinés, consommés au sein d’un repas équilibré (des protéines, des lipides et des glucides), de préférence sans sucres ajoutés et, pour les desserts, agrémentés d’une épice magique (plus encore après un repas farineux) : la cannelle, qui a le pouvoir de stabiliser la glycémie. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

 

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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