En fin de matinée un mercredi, dans une salle de sport adaptée aux enfants, une maman donnait à chacun des deux siens, âgés d’environ 3 et 6 ans, avec semblait-il la meilleure des intentions, des mini-galettes de riz soufflé et une brique de jus de fruits, le tout estampillé AB. Il est un fait, environ 50 % de l’offre alimentaire actuelle (vrac et frais compris) et 70 % des produits conditionnés de la grande distribution, rayons diététique, bio et « sans gluten » compris, sont des aliments ultra-transformés, des aliments qui sont devenus la norme. Pourtant, d’après les spécialistes, ces produits ne devraient pas dépasser 15 % de nos apports énergétiques quotidiens, tandis qu’ils le sont à plus de 50 % dans un grand nombre de pays, plus du tiers en France.
Mais qui sont-ils ?
Il s’agit de procédés industriels ou process qui consistent à raffiner, fractionner ou « cracker » puis recombiner des aliments de base, naturels et entiers, pour en faire des produits faciles à emballer, préparer, cuire ou servir, manger et transporter, au marketing le plus souvent agressif. Sauf que ce procédé de fractionnement / recombinaison fait perdre à l’aliment de base – celui-là même que Dame Nature nous a toujours donné en quantité et si bien fait – tout son intérêt nutritionnel. Exit les fibres, vitamines, minéraux et antioxydants, et bonjour les additifs en tout genre. Prenez un grain de blé : raffiné, c’est-à-dire, dépouillé de son son et de son germe, il perd près de 80 % de ses vitamines, minéraux et antioxydants, ainsi qu’une majeure partie de ses fibres. La baguette, la pizza et la plupart des pâtes sont fabriquées à partir de farine blanche, donc raffinée.
Les aliments ultra-transformés, les AUT, ont pour ingrédients des substances que vous n’utilisez jamais dans votre cuisine et dont vous n’avez peut-être même jamais entendu parler : caséine, lactose, lactosérum, gluten, huile hydrogénée, protéines hydrolysées, maltodextrines, sucre inverti, sirop de maïs, de glucose-fructose, etc. Des substances issues d’un process industriel qui dépasse l’entendement. On essaie quand même. Ce processus a un nom : le cracking, ce qui veut dire fragmenter, séparer en différents composés un bon vieil aliment bien connu qui, ainsi décomposé, s’avère aujourd’hui bien plus rentable qu’entier. Prenons de nouveau l’exemple du blé. Ainsi « cracké », il donne : du son, du gluten (protéines du blé), des fibres, de l’amidon et amidon modifié, du sirop de glucose, des maltodextrines ou encore des polyols (sorbitol, mannitol, maltitol), que l’on retrouve dans un tas de produits comme les plats cuisinés, les charcuteries, les aliments panés, la sauce soja, etc. Prenons maintenant du pain de mie. Et bien sachez qu’il est fabriqué à partir de certains de ces composés… recomposés ! L’étiquette qui vante un pain de mie « complet », donc « riche en fibres », donc bon pour la santé, vend un produit artificiellement enrichi en fibres décomposées du blé, recomposées dans votre paquet de pain de mie. Ultra-transformé. « Tout de même riche en fibres ! », me direz-vous. Certes, sauf que ces fibres naturellement présentes dans la matrice alimentaire sont à bout de souffle tant le process les a malmenées. Le potentiel santé n’est définitivement pas le même que l’aliment brut ou peu transformé. Ces process dérèglent tout simplement certaines interactions nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble, tant de l’aliment que du processus digestif.
La matrice
L’union fait la force, dit l’adage. En matière d’alimentation, la matrice est au centre de cette union : elle comprend, pour un aliment donné, la mastication qu’il nécessite, son index glycémique, les sécrétions hormonales et enzymatiques qu’il requiert, la biodisponibilité de ses micro- et macronutriments, le sentiment de satiété qu’il appelle, ainsi que la vitesse de transit à laquelle il va être digéré. La matrice, c’est tout ça, une perspective holistique, c’est-à-dire globale, et non pas la simple composition nutritionnelle d’un aliment, tel que l’entend encore l’approche réductionniste. Anthony Fardet nous explique qu’ « à composition strictement identique mais avec des matrices différentes, deux aliments n’auront pas le même effet sur l’organisme, et donc à plus long terme sur la santé. » La matrice ou structure alimentaire joue en effet un rôle sur la vitesse de libération des éléments nutritifs dans le sang, son indice glycémique en somme. Prenons l’exemple d’une orange et d’un jus d’orange. Une orange entière est riche en sucre mais aussi en fibres. Après en avoir mangé une, on se sent en général rassasié(e). Un jus d’oranges, même frais, compte deux voire trois oranges et, une fois pressées, vos oranges sont toujours aussi riches en sucre mais délestées de leurs fibres qui présentent l’intérêt de diffuser lentement ce sucre dans le sang, donc d’éviter un pic d’insuline. La seule composition nutritionnelle de l’orange ne suffit pas, il est nécessaire – et urgent – d’y associer son effet matrice, qui influence la vitesse à laquelle sont libérés dans le sang les différents nutriments. Les effets métaboliques, les implications sur la santé sont indéniablement différents.
Versus le réductionnisme
Nous l’avons vu, l’approche holistique considère l’aliment comme un tout, un ensemble de nutriments et de mécanismes qui agissent en synergie, le tout, dans une matrice, la structure physique et, à terme, le potentiel santé d’un aliment entier. L’approche réductionniste quant à elle continue de raisonner en termes de groupes alimentaires et de calories, faisant fi du degré de transformation. Pourtant cette approche demeure et s’y réfèrent les recommandations nutritionnelles officielles et actuelles, les écoles de diététique d’État, ainsi que les applications d’informations sur les produits alimentaires en lien avec la santé – hormis Open Food Facts et Scan Up. Officiellement, on ne prend toujours pas en compte le degré de transformation, de déstructuration des aliments d’origine. Pourtant, de toute évidence, l’approche en vigueur ne parvient pas à éradiquer les maladies chroniques liées à l’alimentation. Bannir tantôt le sucre tantôt les graisses saturées ou encore recommander de manger 5 fruits et légumes par jour, c’est cacher la forêt de pandémie d’obésité en cours et pire à venir derrière l’arbre de la teneur en nutriments.
Et tant pis pour leur interaction et les entités complexes. Se focaliser sur les graisses, les glucides ou les vitamines, c’est négliger l’impact de la transformation des aliments. Et c’est regrettable, parce que c’est bel et bien là que tout se joue.
Interaction aliment → santé
Nous ne parlerons pas ici de l’impact sur la biodiversité. Pour cela, nous vous invitons à lire l’ouvrage d’Anthony Fardet. Toutes les études aujourd’hui convergent : une alimentation déséquilibrée ou anarchique est la première cause de mortalité en France et d’explosion des maladies chroniques. Décortiquons cela pour commencer. La naturopathie nous explique qu’il y a principalement deux types de maladies, celles dites de carences et les autres, dites d’excès. Dans les premières, les aliments n’apportent pas suffisamment, voire quasiment plus du tout dans nos fameux AUT, les nutriments essentiels : vitamines, minéraux, antioxydants, acides gras essentiels, etc. Tandis que les secondes sont dues à un excès d’aliments aux nutriments appauvris ou aux calories vides : acides gras saturés, sucre raffiné ou ajouté, sel raffiné ou en excès, ainsi que des molécules dont le corps n’a que faire, sinon s’en débarrasser : additifs alimentaires, résidus d’engrais et de pesticides, métaux lourds, hormones de croissance, etc. Quoi qu’il en soit, patatras, c’est la dérégulation métabolique : ce dont le corps a besoin, il en est carencé pour bien fonctionner, et ce dont il n’a pas besoin, il est condamné à dépenser beaucoup d’énergie à l’évacuer (via le foie et les reins). Quand il y parvient.
Les maladies d’industrialisation
Les maladies dites d’industrialisation résultent en grande partie de ces dérégulations : process industriels poussés à l’extrême, à l’origine de carences ou d’excès, organismes qui se dilatent (prise de poids), métabolismes en berne. Sans parler des systèmes immunitaires ! N’oublions pas qu’il est situé au niveau intestinal, soit là où transite tout ce que vous mangez. Les carences, en fibres notamment, tendent à affamer votre microbiote qui s’en nourrit. Et mieux il est nourri, plus il est d’attaque pour vous défendre contre les pathogènes.
Le cocktail ultra-transformation alimentaire + augmentation de la sédentarité + manque d’éducation nutritionnelle dans les cursus scolaires + approche réductionniste conduit, indéniablement, aux maladies chroniques dites d’industrialisation. Quelles sont-elles ? Diabète de type 2, maladies au choix ou associées : dégénératives, ostéo-articulaires, digestives, du foie (NASH), du rein, cardiovasculaires, ou encore certains cancers, notamment digestifs. Les conséquences premières de ces carences ou de ces excès sont le surpoids d’abord, l’obésité ensuite. Cette dernière reste fortement associée à une prévalence de diabète, de maladies cardiovasculaires ou encore de certains cancers. Mais ne vous méprenez pas, les personnes en surpoids ou obèses n’ont pas l’exclusivité de ces pathologies. Elles sont le résultat de plusieurs mécanismes physiologiques défectueux, dans lesquels sont impliquées un certain nombre de dérégulations métaboliques. Les vitamines et les minéraux, qui disparaissent en partie ou complètement en cours de process, sont essentiels à un grand nombre de mécanismes ou métabolismes de l’organisme.
Les vitamines et les minéraux
Voici une liste non exhaustive, tant ils font tout et sont partout, des principaux rôles physiologiques des vitamines et des minéraux :
– ils sont des co-facteurs enzymatiques, autrement dit des outils, dans de nombreuses réactions, c’est-à-dire qu’ils interviennent dans le métabolisme des macronutriments, de la production d’énergie, du calcium, ainsi qu’au niveau nerveux et cérébral,
– ils ont un rôle tantôt structural (vos os, tendons, cartilages…), tantôt fonctionnel (système nerveux, musculaire, etc.),
– ils modulent ou régulent l’immunité, aident aux différents péristaltismes, permettent une bonne vision,
– ils sont essentiels dans la transmission nerveuse, interviennent dans la production de neurotransmetteurs, de globules rouges, d’hormones, de myéline, essentiels aussi dans la croissance, la réparation et le renouvellement de vos cellules qui constituent votre peau, vos cheveux, vos ongles et dans la protection de vos tissus (muqueuse intestinale entre autres),
– quand il le faut, ils fluidifient ou au contraire, coagulent votre sang,
– et bien d’autres rôles encore.
Les rôles physiologiques des vitamines et des minéraux sont nombreux et essentiels. Sans eux, le corps, rapidement à court de plan B – pourtant assez fort en la matière – ne peut plus fonctionner correctement et c’est la maladie métabolique, chronique, qui apparaît. Or les aliments ultra-transformés n’apportent pas, ou trop peu, ces précieux micronutriments. Tout processus de transformation, même devenu anodin comme le traitement thermique « UHT » du lait, qui permet de le conserver dans la durée, altère la teneur en vitamine de l’aliment : une déperdition de 10 % des vitamines du groupe B et de plus de 25 % de vitamine C.
Raffiné, fractionné, recombiné, additionné, conditionné, il ne reste plus grand-chose en termes de vitamines et de minéraux dans un aliment ultra-transformé, sinon des calories, désormais vides. Il est aussi devenu hyperglycémiant (IG élevé), en faisant rapidement remonter le taux de sucre dans le sang, et peu satiétogène, faute d’être rassasiant. Pour peu que cet aliment soit mou, il aura définitivement un bien piètre intérêt nutritionnel. Les aliments mous n’ont, en effet, pas le même effet sur la glycémie ni sur la satiété qu’un aliment qu’il faut mâcher plus énergiquement.
Le mécanisme est très simple. Ultra-transformé, votre aliment le plus souvent mou, en raison de sa perte de structure, est en général facile à mâcher (pain de mie, steak haché, compote…). Le temps de mastication étant fortement raccourci et celui du contact avec la muqueuse digestive express, la sécrétion des hormones de satiété ne peut être qu’en retard. De fait, les signaux de la satiété tardent à retentir. Peu rassasié(e), on aura tendance à manger davantage – et plus encore si on mange devant un écran – et plus fréquemment puisque notre aliment à IG élevé (peu rassasiant et hyperglycémiant) entraînera rapidement l’envie de manger de nouveau. On appelle cela une hypoglycémie réactionnelle, un cercle vicieux en somme. Quant au raffinage, condamnant les aliments à être dépourvus de leurs fibres, quel dommage ! Ceux-ci présentent l’intérêt et non des moindres de prolonger la satiété, donc de prévenir l’envie de manger et le grignotage, ainsi que d’augmenter la quantité et la qualité de vos selles, autrement dit le confort d’un transit régulier et la prévention de certaines pathologies du côlon.
Sachez enfin que les boissons ultra-transformées (sodas, jus de fruits et autres boissons fantaisies) remportent la palme : quasiment aucune interaction avec le tube digestif, elles ne sont donc aucunement satiétogènes, c’est-à-dire qu’elles ne laissent pas le temps aux hormones de satiété d’être stimulées.
Les additifs alimentaires
Après les substances « crackées », voyons maintenant les additifs et autres agents cosmétiques que composent plus ou moins largement la (souvent longue) liste des ingrédients des aliments ultra-transformés. Ceux-ci ont le mérite de leur redonner saveur, couleur et odeur, caractères qui ont disparu en même temps que l’aliment de base après raffinage et/ou cracking. Désormais insipide, il faut bien redonner au produit de l’appétence. Entrent en jeu les E, alias les agents cosmétiques ou technologiques : les uns pour le visuel (les colorants), les autres pour l’aspect gustatif (les sucres et additifs divers), d’autres encore pour la partie technique (les anti-). La liste est longue : colorants, stabilisants de couleur, arômes, exhausteurs de flaveur, édulcorants, épaississants, agents de charge, de glaçage, anti-agglomérants, anti-moussants ou humectants, émulsifiants et enfin séquestrants. On emballe tout ça dans un emballage ultra attrayant et le tour est joué.
Noël dernier. Sur une jolie table joyeusement décorée sied une bûche glacée. Par curiosité, nous allons faire un tour dans la cuisine pour voir si l’emballage en carton de la bûche n’a pas déjà fini au tri. Non. La boîte est là, nous la retournons. Stupéfaction. Nous lisons :
Ingrédients : Eau, lait écrémé réhydraté, sucre, sirop de glucose-fructose, purée de cassis 7 %, purée de framboise 7 %, sauce fruits rouges 5,4 % (purée et jus de fruits 2,1 % (purée de fraise, purée de framboise, purée de groseille, jus de cassis), sucre, sirop de glucose, eau, gélifiants : E440, E415, arôme naturel de framboise, arôme naturel de cassis, arôme naturel, acidifiant : E330), graisse végétale de coprah, lactose et protéines de lait, brisures de macarons 1,3 % (sucre, blanc d’œuf (épaississants : E412, E415), poudre d’amandes), sirop de glucose, décors confiseries colorés en rose goût fraise 0,5 % (sucre, beurre de cacao, poudre de lait entier, protéines laitières en poudre, lactosérum en poudre, émulsifiant : E322 (soja), extrait de vanille, arôme naturel de fraise et autres arômes naturels, colorant : E162), macarons 0,5 % (sucre, amandes blanchies, blanc d’œuf (épaississant : E412), amidon de blé, conservateur : E200, colorants : E120, E171), arôme naturel de cassis, arôme naturel de framboise, arôme naturel, émulsifiant : E471, gélifiants : E440, E417, E415, E410, E412, colorants : E163, E162, E150a, jus concentré de sureau, acidifiant : E330, protéines de pois hydrolysées.
Alors, vous me direz, on ne mange une part de bûche qu’une fois l’an ! C’est exceptionnel. Certes. Mais maintenant, allez donc faire un tour au supermarché, dans les rayons des produits du quotidien : plats cuisinés, céréales ou viennoiseries du petit déjeuner, produits diététiques, « vegan », « sans gluten », bio même, bonbons, friandises et autres biscuits industriels pour les enfants, etc. La liste est longue, rappelez-vous, entre 50 et 70 % de l’offre alimentaire actuelle.
Petit exercice récréatif
Devinez l’aliment transformé (B) puis ultra-transformé (C) à partir de l’aliment entier (A) :
(A) orange
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) poisson frais
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) farine complète
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) pommes de terre vapeur
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) riz complet ou semi-complet (pour réduire son indice glycémique, le cuire al dente)
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) légumes vapeur
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
Question : de la soupe en poudre peut-elle être équivalente en termes d’apports nutritionnels, pour le bon fonctionnement de l’organisme, à une soupe maison, aussi basique soit-elle ?
― Je coupe un poireau, deux carottes, 1 oignon, 1 patate et, allez, une petite gousse d’ail, dans une marmite d’eau, un peu de gros sel et soyons fous, une pincée de thym séché. Insipide me direz-vous ? D’accord, alors faisons revenir nos morceaux de légumes dans un peu d’huile d’olive avant d’ajouter l’eau salée. C’est meilleur ainsi ?! Même démo pour de la purée déshydratée. La purée maison a déjà, en soi, un IG assez élevé. Alors prenez la purée M® : les pommes de terre, dont on ne voit pas la couleur, sont : 1. cuites. Jusque-là, tout va bien, sinon que les patates cuites al dente sont préférables à la cuisson façon bouillie. En effet, plus il est chauffé, plus l’amidon de la pomme de terre est hautement gélatinisé, c’est-à-dire pré-digéré par les enzymes. Résultat : le sucre prend l’ascenseur plutôt que les escaliers pour être digéré… 2. écrasées, 3. déshydratées, tout comme les nutriments de vos pommes de terre.
Quant aux mono- et diglycérides d’acides gras (E471), que viennent-ils faire ? Donner encore un peu plus l’effet lissage, que vous obtiendrez tout aussi bien en mixant soigneusement votre purée maison.
Pour finir, savez-vous de quoi est composé un nugget de poulet industriel, celui vendu au supermarché comme celui servi dans un fast-food ? Celui-ci contient en moyenne : 40 % de muscle, soit de la viande de poulet, et nous ferons fi ici de la qualité, et 40 % de graisse, os et cartilages broyés, vaisseaux sanguins, nerfs, viscères et peau de poulet. Des composants pour ne pas dire des déchets qui, de notre point de vue, se rapprocheraient plus de la poubelle que de la recette, tant ils paraissent impropres à la consommation. Le reste de la composition (les 20 % restants) n’est autre que nos composés de blé décomposés recomposés pour la panure, de l’eau, aussi étrange que cela puisse paraître, et quelques additifs, pour la jolie couleur dorée et le croustillant du nugget. Bon appétit !
AUT et NOVA
Le degré de transformation dans l’alimentation va-t-il enfin être pris en considération dans les recommandations alimentaires officielles ? Pas en France, pas encore en tout cas. En revanche, au Brésil, c’est le cas et c’est une première. Un professeur de nutrition et de santé publique à l’Université de San Paulo et directeur du Centre universitaire d’études épidémiologiques en santé et nutrition, Carlos Monteiro, a élaboré une classification alimentaire, NOVA, basée sur le degré de transformation des aliments. C’est sur celle-ci que se fondent les recommandations alimentaires nationales brésiliennes, basées sur une approche holistique. C’est donc possible.
Cette classification qualitative et holistique classe les aliments selon leurs modes de transformation. Elle comprend quatre groupes. Voyons-les.
Le groupe n°1 est celui des aliments pas, ou peu transformés, autrement dit, les aliments de base, bruts : les fruits, les légumes, les produits animaux (viande) et les produits dérivés (œufs, laitages…), les algues, ou encore l’eau. Dans cette catégorie, on se contente de retirer les parties non comestibles de l’aliment, de le sécher, le concasser, le presser, le broyer, le pasteuriser, le réfrigérer, le congeler, ou encore l’emballer sous vide. On retrouve ici en somme les procédés de transformation simples et surtout, vieux comme le monde.
Le groupe n°2 rassemble les ingrédients culinaires qui permettent de confectionner, à la maison comme au restaurant, les soupes, les pains, les conserves, les salades, les desserts, etc. Il s’agit du sucre, du miel, du sel, du poivre et autres condiments, des huiles végétales, du beurre, etc. S’ils ne se consomment pas seuls, ils sont bien pratiques dès lors qu’il s’agit de préparer un bon petit plat.
Le groupe n°3 représente les aliments transformés. Monsieur Monteiro parle ici d’une transformation simple, maison. Il s’agit de combiner les aliments du groupe n°1 aux ingrédients du groupe n°2 pour en faire des petits plats n°3. Dans le commerce, vous les retrouvez dans des emballages plutôt classiques et avec une liste (plutôt brève) d’ingrédients intelligibles, compréhensibles.
Le groupe n°4 est celui qui ne devrait pas composer la base de votre régime alimentaire, au risque d’avaler surtout des calories vides et de faire gronder votre organisme qui, privé de nutriments essentiels à son bon fonctionnement, va finir par tomber en panne, se détériorer. Nous trouvons ici des produits alimentaires formulés pour être ultra goûteux et hyper palatables, grâce à leurs additifs en « trompe l’œil », des produits alimentaires conditionnés dans des packagings ultra attrayants, au marketing ultra tapageur. Ce qui, remarquerez-vous, n’est pas le cas pour les aliments du groupe n°3. Si besoin, voici quelques repères, selon Anthony Fardet, pour les débusquer : plus de 5 ingrédients, et notamment dont vous ne comprenez pas bien l’origine, ou encore assaisonnés de E divers. Il s’agit de repérer la reconstitution d’ingrédients additionnés d’additifs derrière l’aliment vendu.
Il est avéré aujourd’hui que les AUT entraînent des déficits nutritionnels. Le bon sens pourrait suffire à faire ce lien : sans ces nutriments essentiels, un corps ne peut fonctionner normalement. Les AUT altèrent non seulement le potentiel santé d’un individu, mais aussi la biodiversité. Celle-là même qui continue, contre vents et marées, à nous donner des produits de la terre et de la mer riches en micronutriments protecteurs et à nous maintenir en bonne santé.
Nous terminerons en vous recommandant vivement de lire Halte aux aliments ultra-transformés. Mangeons vrai d’Anthony Fardet, un livre de référence qui nous a largement inspiré l’écriture de cet article et dont nous partageons tant l’analyse que l’urgence à réagir à l’alerte qui est lancée.
En fin de matinée un mercredi, dans une salle de sport adaptée aux enfants, une maman donnait à chacun des deux siens, âgés d’environ 3 et 6 ans, avec semblait-il la meilleure des intentions, des mini-galettes de riz soufflé et une brique de jus de fruits, le tout estampillé AB. Il est un fait, environ 50 % de l’offre alimentaire actuelle (vrac et frais compris) et 70 % des produits conditionnés de la grande distribution, rayons diététique, bio et « sans gluten » compris, sont des aliments ultra-transformés, des aliments qui sont devenus la norme. Pourtant, d’après les spécialistes, ces produits ne devraient pas dépasser 15 % de nos apports énergétiques quotidiens, tandis qu’ils le sont à plus de 50 % dans un grand nombre de pays, plus du tiers en France.
Mais qui sont-ils ?
Il s’agit de procédés industriels ou process qui consistent à raffiner, fractionner ou « cracker » puis recombiner des aliments de base, naturels et entiers, pour en faire des produits faciles à emballer, préparer, cuire ou servir, manger et transporter, au marketing le plus souvent agressif. Sauf que ce procédé de fractionnement / recombinaison fait perdre à l’aliment de base – celui-là même que Dame Nature nous a toujours donné en quantité et si bien fait – tout son intérêt nutritionnel. Exit les fibres, vitamines, minéraux et antioxydants, et bonjour les additifs en tout genre. Prenez un grain de blé : raffiné, c’est-à-dire, dépouillé de son son et de son germe, il perd près de 80 % de ses vitamines, minéraux et antioxydants, ainsi qu’une majeure partie de ses fibres. La baguette, la pizza et la plupart des pâtes sont fabriquées à partir de farine blanche, donc raffinée.
Les aliments ultra-transformés, les AUT, ont pour ingrédients des substances que vous n’utilisez jamais dans votre cuisine et dont vous n’avez peut-être même jamais entendu parler : caséine, lactose, lactosérum, gluten, huile hydrogénée, protéines hydrolysées, maltodextrines, sucre inverti, sirop de maïs, de glucose-fructose, etc. Des substances issues d’un process industriel qui dépasse l’entendement. On essaie quand même. Ce processus a un nom : le cracking, ce qui veut dire fragmenter, séparer en différents composés un bon vieil aliment bien connu qui, ainsi décomposé, s’avère aujourd’hui bien plus rentable qu’entier. Prenons de nouveau l’exemple du blé. Ainsi « cracké », il donne : du son, du gluten (protéines du blé), des fibres, de l’amidon et amidon modifié, du sirop de glucose, des maltodextrines ou encore des polyols (sorbitol, mannitol, maltitol), que l’on retrouve dans un tas de produits comme les plats cuisinés, les charcuteries, les aliments panés, la sauce soja, etc. Prenons maintenant du pain de mie. Et bien sachez qu’il est fabriqué à partir de certains de ces composés… recomposés ! L’étiquette qui vante un pain de mie « complet », donc « riche en fibres », donc bon pour la santé, vend un produit artificiellement enrichi en fibres décomposées du blé, recomposées dans votre paquet de pain de mie. Ultra-transformé. « Tout de même riche en fibres ! », me direz-vous. Certes, sauf que ces fibres naturellement présentes dans la matrice alimentaire sont à bout de souffle tant le process les a malmenées. Le potentiel santé n’est définitivement pas le même que l’aliment brut ou peu transformé. Ces process dérèglent tout simplement certaines interactions nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble, tant de l’aliment que du processus digestif.
La matrice
L’union fait la force, dit l’adage. En matière d’alimentation, la matrice est au centre de cette union : elle comprend, pour un aliment donné, la mastication qu’il nécessite, son index glycémique, les sécrétions hormonales et enzymatiques qu’il requiert, la biodisponibilité de ses micro- et macronutriments, le sentiment de satiété qu’il appelle, ainsi que la vitesse de transit à laquelle il va être digéré. La matrice, c’est tout ça, une perspective holistique, c’est-à-dire globale, et non pas la simple composition nutritionnelle d’un aliment, tel que l’entend encore l’approche réductionniste. Anthony Fardet nous explique qu’ « à composition strictement identique mais avec des matrices différentes, deux aliments n’auront pas le même effet sur l’organisme, et donc à plus long terme sur la santé. » La matrice ou structure alimentaire joue en effet un rôle sur la vitesse de libération des éléments nutritifs dans le sang, son indice glycémique en somme. Prenons l’exemple d’une orange et d’un jus d’orange. Une orange entière est riche en sucre mais aussi en fibres. Après en avoir mangé une, on se sent en général rassasié(e). Un jus d’oranges, même frais, compte deux voire trois oranges et, une fois pressées, vos oranges sont toujours aussi riches en sucre mais délestées de leurs fibres qui présentent l’intérêt de diffuser lentement ce sucre dans le sang, donc d’éviter un pic d’insuline. La seule composition nutritionnelle de l’orange ne suffit pas, il est nécessaire – et urgent – d’y associer son effet matrice, qui influence la vitesse à laquelle sont libérés dans le sang les différents nutriments. Les effets métaboliques, les implications sur la santé sont indéniablement différents.
Versus le réductionnisme
Nous l’avons vu, l’approche holistique considère l’aliment comme un tout, un ensemble de nutriments et de mécanismes qui agissent en synergie, le tout, dans une matrice, la structure physique et, à terme, le potentiel santé d’un aliment entier. L’approche réductionniste quant à elle continue de raisonner en termes de groupes alimentaires et de calories, faisant fi du degré de transformation. Pourtant cette approche demeure et s’y réfèrent les recommandations nutritionnelles officielles et actuelles, les écoles de diététique d’État, ainsi que les applications d’informations sur les produits alimentaires en lien avec la santé – hormis Open Food Facts et Scan Up. Officiellement, on ne prend toujours pas en compte le degré de transformation, de déstructuration des aliments d’origine. Pourtant, de toute évidence, l’approche en vigueur ne parvient pas à éradiquer les maladies chroniques liées à l’alimentation. Bannir tantôt le sucre tantôt les graisses saturées ou encore recommander de manger 5 fruits et légumes par jour, c’est cacher la forêt de pandémie d’obésité en cours et pire à venir derrière l’arbre de la teneur en nutriments.
Et tant pis pour leur interaction et les entités complexes. Se focaliser sur les graisses, les glucides ou les vitamines, c’est négliger l’impact de la transformation des aliments. Et c’est regrettable, parce que c’est bel et bien là que tout se joue.
Interaction aliment → santé
Nous ne parlerons pas ici de l’impact sur la biodiversité. Pour cela, nous vous invitons à lire l’ouvrage d’Anthony Fardet. Toutes les études aujourd’hui convergent : une alimentation déséquilibrée ou anarchique est la première cause de mortalité en France et d’explosion des maladies chroniques. Décortiquons cela pour commencer. La naturopathie nous explique qu’il y a principalement deux types de maladies, celles dites de carences et les autres, dites d’excès. Dans les premières, les aliments n’apportent pas suffisamment, voire quasiment plus du tout dans nos fameux AUT, les nutriments essentiels : vitamines, minéraux, antioxydants, acides gras essentiels, etc. Tandis que les secondes sont dues à un excès d’aliments aux nutriments appauvris ou aux calories vides : acides gras saturés, sucre raffiné ou ajouté, sel raffiné ou en excès, ainsi que des molécules dont le corps n’a que faire, sinon s’en débarrasser : additifs alimentaires, résidus d’engrais et de pesticides, métaux lourds, hormones de croissance, etc. Quoi qu’il en soit, patatras, c’est la dérégulation métabolique : ce dont le corps a besoin, il en est carencé pour bien fonctionner, et ce dont il n’a pas besoin, il est condamné à dépenser beaucoup d’énergie à l’évacuer (via le foie et les reins). Quand il y parvient.
Les maladies d’industrialisation
Les maladies dites d’industrialisation résultent en grande partie de ces dérégulations : process industriels poussés à l’extrême, à l’origine de carences ou d’excès, organismes qui se dilatent (prise de poids), métabolismes en berne. Sans parler des systèmes immunitaires ! N’oublions pas qu’il est situé au niveau intestinal, soit là où transite tout ce que vous mangez. Les carences, en fibres notamment, tendent à affamer votre microbiote qui s’en nourrit. Et mieux il est nourri, plus il est d’attaque pour vous défendre contre les pathogènes.
Le cocktail ultra-transformation alimentaire + augmentation de la sédentarité + manque d’éducation nutritionnelle dans les cursus scolaires + approche réductionniste conduit, indéniablement, aux maladies chroniques dites d’industrialisation. Quelles sont-elles ? Diabète de type 2, maladies au choix ou associées : dégénératives, ostéo-articulaires, digestives, du foie (NASH), du rein, cardiovasculaires, ou encore certains cancers, notamment digestifs. Les conséquences premières de ces carences ou de ces excès sont le surpoids d’abord, l’obésité ensuite. Cette dernière reste fortement associée à une prévalence de diabète, de maladies cardiovasculaires ou encore de certains cancers. Mais ne vous méprenez pas, les personnes en surpoids ou obèses n’ont pas l’exclusivité de ces pathologies. Elles sont le résultat de plusieurs mécanismes physiologiques défectueux, dans lesquels sont impliquées un certain nombre de dérégulations métaboliques. Les vitamines et les minéraux, qui disparaissent en partie ou complètement en cours de process, sont essentiels à un grand nombre de mécanismes ou métabolismes de l’organisme.
Les vitamines et les minéraux
Voici une liste non exhaustive, tant ils font tout et sont partout, des principaux rôles physiologiques des vitamines et des minéraux :
– ils sont des co-facteurs enzymatiques, autrement dit des outils, dans de nombreuses réactions, c’est-à-dire qu’ils interviennent dans le métabolisme des macronutriments, de la production d’énergie, du calcium, ainsi qu’au niveau nerveux et cérébral,
– ils ont un rôle tantôt structural (vos os, tendons, cartilages…), tantôt fonctionnel (système nerveux, musculaire, etc.),
– ils modulent ou régulent l’immunité, aident aux différents péristaltismes, permettent une bonne vision,
– ils sont essentiels dans la transmission nerveuse, interviennent dans la production de neurotransmetteurs, de globules rouges, d’hormones, de myéline, essentiels aussi dans la croissance, la réparation et le renouvellement de vos cellules qui constituent votre peau, vos cheveux, vos ongles et dans la protection de vos tissus (muqueuse intestinale entre autres),
– quand il le faut, ils fluidifient ou au contraire, coagulent votre sang,
– et bien d’autres rôles encore.
Les rôles physiologiques des vitamines et des minéraux sont nombreux et essentiels. Sans eux, le corps, rapidement à court de plan B – pourtant assez fort en la matière – ne peut plus fonctionner correctement et c’est la maladie métabolique, chronique, qui apparaît. Or les aliments ultra-transformés n’apportent pas, ou trop peu, ces précieux micronutriments. Tout processus de transformation, même devenu anodin comme le traitement thermique « UHT » du lait, qui permet de le conserver dans la durée, altère la teneur en vitamine de l’aliment : une déperdition de 10 % des vitamines du groupe B et de plus de 25 % de vitamine C.
Raffiné, fractionné, recombiné, additionné, conditionné, il ne reste plus grand-chose en termes de vitamines et de minéraux dans un aliment ultra-transformé, sinon des calories, désormais vides. Il est aussi devenu hyperglycémiant (IG élevé), en faisant rapidement remonter le taux de sucre dans le sang, et peu satiétogène, faute d’être rassasiant. Pour peu que cet aliment soit mou, il aura définitivement un bien piètre intérêt nutritionnel. Les aliments mous n’ont, en effet, pas le même effet sur la glycémie ni sur la satiété qu’un aliment qu’il faut mâcher plus énergiquement.
Le mécanisme est très simple. Ultra-transformé, votre aliment le plus souvent mou, en raison de sa perte de structure, est en général facile à mâcher (pain de mie, steak haché, compote…). Le temps de mastication étant fortement raccourci et celui du contact avec la muqueuse digestive express, la sécrétion des hormones de satiété ne peut être qu’en retard. De fait, les signaux de la satiété tardent à retentir. Peu rassasié(e), on aura tendance à manger davantage – et plus encore si on mange devant un écran – et plus fréquemment puisque notre aliment à IG élevé (peu rassasiant et hyperglycémiant) entraînera rapidement l’envie de manger de nouveau. On appelle cela une hypoglycémie réactionnelle, un cercle vicieux en somme. Quant au raffinage, condamnant les aliments à être dépourvus de leurs fibres, quel dommage ! Ceux-ci présentent l’intérêt et non des moindres de prolonger la satiété, donc de prévenir l’envie de manger et le grignotage, ainsi que d’augmenter la quantité et la qualité de vos selles, autrement dit le confort d’un transit régulier et la prévention de certaines pathologies du côlon.
Sachez enfin que les boissons ultra-transformées (sodas, jus de fruits et autres boissons fantaisies) remportent la palme : quasiment aucune interaction avec le tube digestif, elles ne sont donc aucunement satiétogènes, c’est-à-dire qu’elles ne laissent pas le temps aux hormones de satiété d’être stimulées.
Les additifs alimentaires
Après les substances « crackées », voyons maintenant les additifs et autres agents cosmétiques que composent plus ou moins largement la (souvent longue) liste des ingrédients des aliments ultra-transformés. Ceux-ci ont le mérite de leur redonner saveur, couleur et odeur, caractères qui ont disparu en même temps que l’aliment de base après raffinage et/ou cracking. Désormais insipide, il faut bien redonner au produit de l’appétence. Entrent en jeu les E, alias les agents cosmétiques ou technologiques : les uns pour le visuel (les colorants), les autres pour l’aspect gustatif (les sucres et additifs divers), d’autres encore pour la partie technique (les anti-). La liste est longue : colorants, stabilisants de couleur, arômes, exhausteurs de flaveur, édulcorants, épaississants, agents de charge, de glaçage, anti-agglomérants, anti-moussants ou humectants, émulsifiants et enfin séquestrants. On emballe tout ça dans un emballage ultra attrayant et le tour est joué.
Noël dernier. Sur une jolie table joyeusement décorée sied une bûche glacée. Par curiosité, nous allons faire un tour dans la cuisine pour voir si l’emballage en carton de la bûche n’a pas déjà fini au tri. Non. La boîte est là, nous la retournons. Stupéfaction. Nous lisons :
Ingrédients : Eau, lait écrémé réhydraté, sucre, sirop de glucose-fructose, purée de cassis 7 %, purée de framboise 7 %, sauce fruits rouges 5,4 % (purée et jus de fruits 2,1 % (purée de fraise, purée de framboise, purée de groseille, jus de cassis), sucre, sirop de glucose, eau, gélifiants : E440, E415, arôme naturel de framboise, arôme naturel de cassis, arôme naturel, acidifiant : E330), graisse végétale de coprah, lactose et protéines de lait, brisures de macarons 1,3 % (sucre, blanc d’œuf (épaississants : E412, E415), poudre d’amandes), sirop de glucose, décors confiseries colorés en rose goût fraise 0,5 % (sucre, beurre de cacao, poudre de lait entier, protéines laitières en poudre, lactosérum en poudre, émulsifiant : E322 (soja), extrait de vanille, arôme naturel de fraise et autres arômes naturels, colorant : E162), macarons 0,5 % (sucre, amandes blanchies, blanc d’œuf (épaississant : E412), amidon de blé, conservateur : E200, colorants : E120, E171), arôme naturel de cassis, arôme naturel de framboise, arôme naturel, émulsifiant : E471, gélifiants : E440, E417, E415, E410, E412, colorants : E163, E162, E150a, jus concentré de sureau, acidifiant : E330, protéines de pois hydrolysées.
Alors, vous me direz, on ne mange une part de bûche qu’une fois l’an ! C’est exceptionnel. Certes. Mais maintenant, allez donc faire un tour au supermarché, dans les rayons des produits du quotidien : plats cuisinés, céréales ou viennoiseries du petit déjeuner, produits diététiques, « vegan », « sans gluten », bio même, bonbons, friandises et autres biscuits industriels pour les enfants, etc. La liste est longue, rappelez-vous, entre 50 et 70 % de l’offre alimentaire actuelle.
Petit exercice récréatif
Devinez l’aliment transformé (B) puis ultra-transformé (C) à partir de l’aliment entier (A) :
(A) orange
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) poisson frais
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) farine complète
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) pommes de terre vapeur
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) riz complet ou semi-complet (pour réduire son indice glycémique, le cuire al dente)
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
(A) légumes vapeur
(B) version transformée
(C) version ultra-transformée
Question : de la soupe en poudre peut-elle être équivalente en termes d’apports nutritionnels, pour le bon fonctionnement de l’organisme, à une soupe maison, aussi basique soit-elle ?
― Je coupe un poireau, deux carottes, 1 oignon, 1 patate et, allez, une petite gousse d’ail, dans une marmite d’eau, un peu de gros sel et soyons fous, une pincée de thym séché. Insipide me direz-vous ? D’accord, alors faisons revenir nos morceaux de légumes dans un peu d’huile d’olive avant d’ajouter l’eau salée. C’est meilleur ainsi ?! Même démo pour de la purée déshydratée. La purée maison a déjà, en soi, un IG assez élevé. Alors prenez la purée M® : les pommes de terre, dont on ne voit pas la couleur, sont :
1. cuites. Jusque-là, tout va bien, sinon que les patates cuites al dente sont préférables à la cuisson façon bouillie. En effet, plus il est chauffé, plus l’amidon de la pomme de terre est hautement gélatinisé, c’est-à-dire pré-digéré par les enzymes. Résultat : le sucre prend l’ascenseur plutôt que les escaliers pour être digéré…
2. écrasées,
3. déshydratées, tout comme les nutriments de vos pommes de terre.
Quant aux mono- et diglycérides d’acides gras (E471), que viennent-ils faire ? Donner encore un peu plus l’effet lissage, que vous obtiendrez tout aussi bien en mixant soigneusement votre purée maison.
Pour finir, savez-vous de quoi est composé un nugget de poulet industriel, celui vendu au supermarché comme celui servi dans un fast-food ? Celui-ci contient en moyenne : 40 % de muscle, soit de la viande de poulet, et nous ferons fi ici de la qualité, et 40 % de graisse, os et cartilages broyés, vaisseaux sanguins, nerfs, viscères et peau de poulet. Des composants pour ne pas dire des déchets qui, de notre point de vue, se rapprocheraient plus de la poubelle que de la recette, tant ils paraissent impropres à la consommation. Le reste de la composition (les 20 % restants) n’est autre que nos composés de blé décomposés recomposés pour la panure, de l’eau, aussi étrange que cela puisse paraître, et quelques additifs, pour la jolie couleur dorée et le croustillant du nugget. Bon appétit !
AUT et NOVA
Le degré de transformation dans l’alimentation va-t-il enfin être pris en considération dans les recommandations alimentaires officielles ? Pas en France, pas encore en tout cas. En revanche, au Brésil, c’est le cas et c’est une première. Un professeur de nutrition et de santé publique à l’Université de San Paulo et directeur du Centre universitaire d’études épidémiologiques en santé et nutrition, Carlos Monteiro, a élaboré une classification alimentaire, NOVA, basée sur le degré de transformation des aliments. C’est sur celle-ci que se fondent les recommandations alimentaires nationales brésiliennes, basées sur une approche holistique. C’est donc possible.
Cette classification qualitative et holistique classe les aliments selon leurs modes de transformation. Elle comprend quatre groupes. Voyons-les.
Le groupe n°1 est celui des aliments pas, ou peu transformés, autrement dit, les aliments de base, bruts : les fruits, les légumes, les produits animaux (viande) et les produits dérivés (œufs, laitages…), les algues, ou encore l’eau. Dans cette catégorie, on se contente de retirer les parties non comestibles de l’aliment, de le sécher, le concasser, le presser, le broyer, le pasteuriser, le réfrigérer, le congeler, ou encore l’emballer sous vide. On retrouve ici en somme les procédés de transformation simples et surtout, vieux comme le monde.
Le groupe n°2 rassemble les ingrédients culinaires qui permettent de confectionner, à la maison comme au restaurant, les soupes, les pains, les conserves, les salades, les desserts, etc. Il s’agit du sucre, du miel, du sel, du poivre et autres condiments, des huiles végétales, du beurre, etc. S’ils ne se consomment pas seuls, ils sont bien pratiques dès lors qu’il s’agit de préparer un bon petit plat.
Le groupe n°3 représente les aliments transformés. Monsieur Monteiro parle ici d’une transformation simple, maison. Il s’agit de combiner les aliments du groupe n°1 aux ingrédients du groupe n°2 pour en faire des petits plats n°3. Dans le commerce, vous les retrouvez dans des emballages plutôt classiques et avec une liste (plutôt brève) d’ingrédients intelligibles, compréhensibles.
Le groupe n°4 est celui qui ne devrait pas composer la base de votre régime alimentaire, au risque d’avaler surtout des calories vides et de faire gronder votre organisme qui, privé de nutriments essentiels à son bon fonctionnement, va finir par tomber en panne, se détériorer. Nous trouvons ici des produits alimentaires formulés pour être ultra goûteux et hyper palatables, grâce à leurs additifs en « trompe l’œil », des produits alimentaires conditionnés dans des packagings ultra attrayants, au marketing ultra tapageur. Ce qui, remarquerez-vous, n’est pas le cas pour les aliments du groupe n°3. Si besoin, voici quelques repères, selon Anthony Fardet, pour les débusquer : plus de 5 ingrédients, et notamment dont vous ne comprenez pas bien l’origine, ou encore assaisonnés de E divers. Il s’agit de repérer la reconstitution d’ingrédients additionnés d’additifs derrière l’aliment vendu.
Il est avéré aujourd’hui que les AUT entraînent des déficits nutritionnels. Le bon sens pourrait suffire à faire ce lien : sans ces nutriments essentiels, un corps ne peut fonctionner normalement. Les AUT altèrent non seulement le potentiel santé d’un individu, mais aussi la biodiversité. Celle-là même qui continue, contre vents et marées, à nous donner des produits de la terre et de la mer riches en micronutriments protecteurs et à nous maintenir en bonne santé.
Nous terminerons en vous recommandant vivement de lire Halte aux aliments ultra-transformés. Mangeons vrai d’Anthony Fardet, un livre de référence qui nous a largement inspiré l’écriture de cet article et dont nous partageons tant l’analyse que l’urgence à réagir à l’alerte qui est lancée.