Les fines herbes

Leur nom évoque la délicatesse, la subtilité, voire le raffinement. Elles sont aussi appelées herbes aromatiques et médicinales, ce qui leur donne du poids : non seulement ces petites plantes sont savoureuses et sans pareil pour sublimer toutes sortes de mets, mais elles sont en plus bonnes pour la santé.

Quelles sont-elles ?

Sans pouvoir être exhaustif, tant il en existe dans nos contrées et ailleurs, nous parlerons surtout de celles qui embaument le bassin méditerranéen, comme le thym, la sarriette ou « pèbre d’aï » en provençal, le basilic, le romarin, le serpolet ou encore l’origan. D’autres poussent ici et ailleurs, telles que la ciboulette, le persil, la menthe, l’aneth, le cerfeuil, la marjolaine, l’estragon, la coriandre, la sauge, etc. De saveurs différentes, les unes sont douces, les autres amères ou poivrées, chacune d’elle a aussi ses variétés : persil plat ou frisé, cerfeuil commun ou musqué, basilic pourpre ou citron, menthe douce ou poivrée, etc.

Toutes ne font pas partie de la même famille. Il y a les liliacées (ciboulette, tout comme l’ail et l’oignon d’ailleurs), les lamiacées (thym, romarin, menthe, basilic, sauge) ou encore, les apiacées (aneth, cerfeuil, persil). Les plantes aromatiques sont aussi saisonnières, hormis la menthe, qui passe l’année sans difficulté, sous réserve d’être en pot, à l’intérieur, les mois d’hiver lorsqu’ils sont rigoureux. La ciboulette et le persil s’épanouissent dès le début du printemps et jusqu’au milieu de l’automne, la marjolaine les suit de près. Quant au basilic, il n’aime que les mois d’été, sous la chaleur et la lumière du soleil, tandis que le persil et la menthe préfèrent rester à l’ombre.

Quelle que soit la période de l’année à laquelle elles poussent, les fines herbes participent à la biodiversité du potager et alentour, en nourrissant notamment les abeilles avec leurs fleurs (romarin, thym, sarriette, etc.). Quelques-unes protègent même certaines plantations, comme le basilic les plants de tomates des parasites ou des maladies qui les menacent. Le parfum particulièrement odorant de certaines (thym, sarriette, menthe, basilic) peut être, en outre, répulsif contre les insectes, nuisibles pendant la saison estivale. À propos, sachez que vous pouvez soulager une piqûre d’insecte fraîche en y appliquant deux ou trois feuilles de persil froissées.

Quel plaisir d’avoir, à portée de main, quelques aromates : dans son potager, sur un rebord de fenêtre ou un coin de balcon et parfois même, dans sa cuisine. Moins épanouies en pot qu’en pleine terre, de surcroît s’il est petit, la plupart ont plutôt une bonne capacité d’adaptation. En pot, les plantes seront rapidement à court de nutriments et risquent de mourir de faim si elles ne sont pas transplantées dans un pot plus gros ou, mieux, en pleine terre.

Cueillies, ciselées et consommées dans la foulée

L’idéal reste de les consommer fraîchement coupées, et de préférence ciselées manuellement, à l’aide d’une berceuse. Un couteau de cuisine ou une paire de ciseaux bien aiguisés feront l’affaire. Évitez en revanche l’usage, de surcroît prolongé, d’un hachoir électrique dont les lames chauffées feront perdre à vos brins une grande partie de leurs nutriments, ainsi que leurs principes aromatiques.

Les fines herbes ne se conservent pas longtemps dans le bac à légumes d’un réfrigérateur, quelques jours tout au plus et sous réserve d’être contenues dans un linge propre, qu’il s’agira de maintenir humide. Elles le valent bien. Au congélateur, vos fines herbes deviendront vite aqueuses, donc molles et peu présentables. À défaut de les avoir à portée de main, mieux vaut encore les faire sécher. Attention là encore à ne pas les altérer. Rassemblées en petit bouquet attaché par une ficelle, les herbes pourront sécher tête en bas dans un endroit sec et à l’abri de la lumière. Dans les mêmes conditions, le séchage peut se faire aussi dans un séchoir en filet (quelques jours) ou au déshydrateur inférieur à 40°C (quelques heures), afin de limiter l’oxydation (le noircissement des végétaux). Ainsi, vous préserverez leurs antioxydants qui, lors de la déshydratation de la plante, se concentrent. En revanche, une fois séchées, les plantes auront perdu leurs vitamines. Pour les mêmes raisons, elles seront ciselées à la dernière minute et ajoutées à un plat une fois cuit : les fines herbes sont intéressantes seulement si elles sont consommées crues. D’ailleurs, elles viendront compenser la perte en vitamines des légumes, entraînée par la cuisson.

Nutritives

Toutes les plantes aromatiques sont sources, chacune à sa façon, de micronutriments protecteurs. Sous réserve d’être fraîches et consommées crues, elles contiennent des vitamines (A, certaines du groupe B, C et K). Le persil a, par exemple, la teneur en vitamine C la plus importante, tout comme il est plus riche en fer que les lentilles, à densité nutritionnelle égale (soit la quantité d’un micronutriment pour 100 calories, et non pour 100g d’aliment). Les fines herbes sont aussi un apport en minéraux (calcium, magnésium, manganèse) et en oligo-éléments (sélénium).

Fraîches ou sèches, les fines herbes sont une mine d’antioxydants, avec plus ou moins de flavonoïdes, de caroténoïdes et de composés phénoliques, des composants bio-actifs dont on sait aujourd’hui les nombreux bienfaits (cardiovasculaires, neurodégénératifs, anti-radicalaires, anti-inflammatoires, etc.). Reste à en consommer quotidiennement, de petites quantités suffisent, finement hachées sur vos plats ou fromages de chèvre, ou encore dans vos huiles d’assaisonnement pour les parfumer. Pour cela, placez dans votre bouteille d’huile, d’olive par exemple, selon vos envies et la saison, quelques feuilles (basilic, menthe, estragon, etc.) ou brins (thym, romarin, sarriette, etc.), laissez macérer le temps à la plante de s’imprégner (au moins une semaine), puis filtrez. Vous pouvez, de la même manière, parfumer votre vinaigre de cidre avec quelques brins de thym.

Fines et vertueuses : alcalinisantes et équilibrantes

Leurs minéraux font d’elles des alliées pour lutter contre l’acidification de l’organisme et corriger un déséquilibre acido-basique. C’est notamment le cas de l’estragon, de l’origan, de la sarriette et de la sauge.

À propos, la sauge ou salva, qui vient du mot latin salvare, à savoir sauver, est une grande rééquilibrante du système hormonal. Elle favorise le bien-être menstruel autant qu’elle contribue à remédier aux désagréments féminins liés à l’arrivée de la ménopause (transpiration excessive, bouffées de chaleur, déminéralisation, etc.). Elle est aussi intéressante pour lutter contre l’inconfort digestif (ballonnements, flatulences, lenteur digestive, etc.).

Des amies de la digestion et du cœur

La plupart des herbes aromatiques soulagent, voire préviennent un grand nombre de troubles digestifs, notamment grâce à leurs propriétés carminatives, en réduisant la production de gaz intestinaux et favorisant leur expulsion. Entre autres, le basilic était traditionnellement utilisé pour traiter les problèmes gastriques et intestinaux, grâce à ses propriétés antispasmodiques que possèdent aussi la menthe, la marjolaine, le serpolet, le persil et le romarin. Ce dernier stimule la digestion d’une manière générale, en agissant sur les muscles lisses de l’appareil digestif. Il prévient aussi les complications dues à la glycation, une réaction dite de Maillard entraînée par les glucides venant « coller » les protéines. Les puissants antioxydants de la plante sont même capables de s’opposer au rancissement des graisses par les radicaux libres. Le romarin est un buisson dense et généreux, il l’est aussi en termes propriétés médicinales, bien connues depuis l’Antiquité. Ses composés bio-actifs ont de multiples vertus, celles de protéger le foie et de l’aider à se détoxifier, mais aussi anti-inflammatoires, antioxydantes et anti-radicalaires. En outre, tout comme le basilic et le persil (aussi vasodilatateur), le romarin est hautement cardio-protecteur. Frais ou séché, préparé en tisane associé ou pas à du thym, du citron et du miel, le romarin s’avère être un allié pour lutter contre les maladies de l’hiver ou encore les parasites intestinaux. Quant à la sarriette, elle possède des qualités médicinales à la fois digestive et tonique.

Aparté sur la sarriette

Appelée « pèbre d’aï » en Provence, qui signifie le poivre d’âne, la sarriette se caractérise par son goût piquant, qui devait faire de l’effet aux ânes. Lequel, nous l’ignorons, comme parvenir à la définir, « ça ne peut pas se dire », écrivait Pagnol. Nous savons en revanche que la sarriette, dont l’étymologie (du latin satureja) signifie satyre, a pu souffrir d’une réputation quelque peu sulfureuse. On a, en effet, longtemps cru « l’herbe des satyres » aphrodisiaque. La Grèce antique l’interdisait aux femmes enceintes pour prévenir toute fausse couche, tandis que les sorciers de l’ancienne Provence en faisaient des philtres d’amour et l’église l’a tout bonnement interdite. La science n’y voit pourtant que des vertus toniques.

« C’est du thym frais, dit-elle.
On fera des civets merveilleux.
– Du thym ?
dit François avec
un certain mépris. Il vaut bien mieux
le pèbre d’aï…
– Qu’est-ce que c’est ?
– C’est comme une espèce de thym, et en même temps c’est une espèce
de menthe. Mais ça ne peut pas se dire : je vous en ferai voir ! »

Marcel Pagnol,
La gloire de mon père

Qu’elle pousse à flan de coteaux (Satureja hortensis) ou en altitude (Satureja montana), la sarriette est bénéfique pour toute la sphère digestive : elle stimule l’estomac, régularise le péristaltisme d’un bout à l’autre du tube digestif et prévient la fermentation intestinale (carminative). Ajoutez quelques bruns de sarriette dans votre eau de cuisson des légumineuses, vous gagnerez en confort digestif. Les Allemands l’appellent d’ailleurs « l’herbe aux haricots » (Bohnenkraut pour les Germanophones). Elle est, en outre, antiseptique et tonifiante.

Ses sommités fleuries, comme celles du romarin et du thym, sont comestibles et agrémentent avec beaucoup de subtilité les plats à base de viande. En infusion (feuilles et/ou fleurs), la sarriette sera tonifiante, digestive et antiseptique. Elle est, enfin, l’une des plantes aromatiques, avec le thym, le romarin, l’origan et le basilic, constituant les fameuses « herbes de Provence », un mélange qui s’est mondialement fait connaître.

Les aberrations du marché

Avez-vous un jour jeté un œil au prix au kilo des fines herbes vendues dans le commerce, conditionnées dans de petits flacons en plastique, généralement de 5g ? C’est tout bonnement sidérant. Le prix au kilo de la ciboulette remporte la palme : jusqu’à 400€, soit le prix de la truffe ou du caviar. Et jusqu’à 100€ le kilo de basilic ou d’herbes de Provence, 150 à 200€ celui du persil ou de la coriandre, etc. Aussi, dorénavant, ne vous fiez plus au montant à l’unité ou mieux, cultivez vous-même vos plantes aromatiques.

L’autre fourvoiement, dû à ce système dont nous ne pensons pas grand bien, est l’origine des herbes de Provence conditionnées, dont elles n’ont plus que le nom. En effet, 90 % d’entre elles sont aujourd’hui produites en Pologne, au Maghreb, voire en Asie. Pagnol doit se retourner dans sa tombe de savoir que le pèbre d’aï n’a plus rien de provençal…

Happy end

L’été, préparez-vous des infusions à froid et, en hiver, des tisanes chaudes ! Chaque plante aromatique vous offrira autant de saveurs que de bienfaits adaptés à la saisonnalité. La marjolaine viendra apaiser le système nerveux et la menthe le mal des transport ou les coups de chaud. Quant à l’origan, au thym et la sarriette, elles seront un renfort en cas de rhume ou autres affections hivernales. Une infusion d’origan fera office de bain de bouche ou de bain de pieds fatigués, le thym sera fortifiant et le romarin détoxifiant du foie. Cultivons-les ! Pour orner nos potagers, contribuer à la biodiversité, sublimer nos mets et nous soigner.

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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