Super oignon

Cette plante bisannuelle, vedette dans l’Antiquité, fait partie de la famille des alliacées, avec pour fratrie l’ail et l’échalote. L’Homme cultive et consomme de l’oignon, aux 700 variétés, depuis des millénaires. Au Moyen Âge, son bulbe se prêtait autant à la médecine qu’à la sorcellerie et, au XVe siècle, les marins appréciaient surtout qu’ils les épargnent du scorbut, grâce à sa belle teneur en vitamine C. Aujourd’hui, sa culture est mondiale, surtout en Chine et en Inde, puis en France, quatrième producteur, notamment dans les Cévennes. L’oignon y est doux et nacré, traditionnellement cultivé en terrasse et reconnu AOC, un régal autant cru que cuit, et plus encore légèrement caramélisé.

 

Botanique et agronomie

Plante bisannuelle concentrique, alternant plusieurs couches de chair jusqu’à la dernière, enveloppante, prenant la forme d’une fine pelure. Les oignons comptent environ 700 variétés, allant du blanc au rouge-pourpre en passant par le brun et le nacré.
Les oignons blancs sont récoltés avant leur complète maturité, disponibles d’avril, dits primeurs et dont les petits sont vendus en botte, jusqu’à septembre, mais ne se conservent pas longtemps. Les jaunes, récoltés en août, sont présents toute l’année sous une forme sèche, dits de conservation. Quant aux rouges, plus riches en polyphénols et plus enclins à être consommés crus, ils sont plus rares et vendus de juin à mars de l’année suivante.

 

Une manne micronutritionnelle

L’oignon ou allium cepa regorge de composés bio-actifs bénéfiques, sulfure, silice et sélénium, entre autres, et surtout, de la quercétine. Cette dernière est un composé organique de la famille des flavonoïdes (polyphénols ou antioxydants), qui protège grandement contre l’oxydation en général et celle du LDL, dit « mauvais » cholestérol, en particulier. C’est l’oignon rouge qui en contient le plus, comparé à ses semblables plus pâles. Cette quercétine, aux vertus anti-inflammatoires, s’avère être un allié redoutable contre l’ostéoporose. En effet, l’oignon, qui en contient en grande quantité, diminuerait la résorption osseuse caractéristique de cette affection. Autrement dit, manger régulièrement des oignons éviterait aux os de se dégrader, tant au niveau de la densité que de la rigidité de ces derniers. D’autant qu’en plus de la quercétine, l’oignon contient de la silice, un minéral facilitant grandement la fixation du calcium dans les os.

L’ostéoporose étant aussi et fortement sensible au stress oxydatif, la quercétine contenue dans l’oignon a justement une action antioxydante et anti-inflammatoire. Sa belle teneur en potassium fait de l’oignon un aliment alcalin, donc doublement bénéfique contre l’ostéoporose. Par ailleurs, ces flavonoïdes inhibent certains médiateurs de l’inflammation, à l’origine de pathologies inflammatoires, telles que l’asthme par exemple.

Comme toujours, concernant les antioxydants, il serait dommage d’en réduire le taux lors de la cuisson. Plusieurs options s’offrent à nous : consommer les oignons crus et, dans ce cas, les choisir très doux, sans quoi, ils peuvent ne pas être très digestes pour tout le monde. Mieux encore, vous pouvez vous gorger, de mars à juillet, d’oignons dits primeurs, en botte, ou bien les cuire tout en douceur, afin d’en préserver les précieux polyphénols. En effet, lorsque vous faites bouillir vos oignons, vous en perdez les antioxydants, en revanche, si vous consommez l’eau de cuisson (dans une soupe par exemple), vous profiterez de leur action antioxydante. Il est avéré, en outre, que la cuisson des oignons, au four ou fondus à la poêle, augmente leur teneur en polyphénols : l’évaporation de l’eau vient concentrer les principes actifs.

Des composés sulfurés et du sélénium

Si la quercétine est un puissant antioxydant, si ce n’est le plus puissant issu de l’alimentation, les composés soufrés de l’oignon ont, quant à eux, une action hypoglycémiante, donc anti-diabétique, en participant à la réduction du taux de sucre dans le sang. Certains de ces composés, quand l’oignon est frais, sont aussi capables de fluidifier le sang, donc de prévenir la formation de potentiels caillots (agrégation plaquettaire), à l’origine d’accidents cardio-vasculaires. D’autres auraient une action sur les lipides sanguins, en parvenant à faire baisser le « mauvais » cholestérol (LDL) et à augmenter le « bon » (HDL).

L’oignon contient de multiples vitamines, minéraux et oligo-éléments, notamment du phosphore, qui participe, lui-aussi, au métabolisme des os, dont il est le constituant principal, ainsi qu’au bon fonctionnement du système nerveux. Il est surtout un composant majeur de l’ATP, notre source d’énergie. L’oignon compte aussi plusieurs vitamines, comme la vitamine A ou bêta-carotène, favorable à la vision et au système immunitaire, la plupart de celles du groupe B, ainsi que la vitamine C ou acide ascorbique, antioxydante et jouant d’innombrables rôles physiologiques.

L’oignon est également riche en sélénium, dont les sols français sont aujourd’hui fortement appauvris, minéral essentiel que l’oignon parvient à capter, en tout cas ce qu’il en reste, par le sol. Ses propriétés antioxydantes, importantes, permettent notamment de lutter contre le stress oxydatif, par conséquent, le vieillissement prématuré des tissus de l’organisme, en le protégeant des radicaux libres générés par quantité de facteurs aujourd’hui : exposition prolongée au soleil, excès d’alcool, de tabac, de sport, de médicaments, de xénobiotiques (métaux lourds et pollutions diverses notamment), etc.

Anti-bactérien et antiseptique

Le jus d’oignons stimulerait l’activité des reins, une action diurétique due à la présence de fructosanes, un dérivé de fructose (glucides), abondants dans le bulbe de l’oignon. Ceci, et du fait qu’il est aussi un anti-bactérien et un antiseptique, l’oignon limiterait les infections des systèmes respiratoire et urinaire, ainsi que les infiltrations de liquide séreux dans les organes, à même de provoquer un œdème.

Nos grands-mères avaient donc raison quand elles préconisaient de manger un oignon cru ou, à défaut d’y parvenir, d’en placer un demi dans la chambre à coucher : il a été prouvé depuis que l’oignon cru tue un grand nombre de bactéries pathogènes, notamment celles responsables des caries, des gingivites et de certaines angines. Pour remédier naturellement à ces dernières, faites suer un oignon émincé et placez-le dans un linge fin (gaze, étamine), puis encore chaud (à la limite du supportable et sans se brûler) sur l’oreille en souffrance. Le sirop d’oignon est aussi un grand classique dans la lutte contre la toux grasse. Pour cela, émincez un oignon bio dans un contenant en verre, arrosez-le d’une généreuse cuillère à soupe de miel (idéalement de thym, antiseptique lui-aussi), fermez hermétiquement et laissez reposer quelques heures au réfrigérateur. À raison d’une cuillère à café, trois à quatre fois par jour, vous viendrez à bout de toutes les mucosités à expectorer. Encore faudrait-il, en parallèle et le temps du rétablissement, supprimer tous produits laitiers, ainsi que tous sucres ajoutés, particulièrement mucogènes. Contrairement aux idées reçues, le sirop d’oignon est excellent au goût, au point que les enfants en redemandent.

C’est aussi la raison pour laquelle, intuitivement, il est usuel d’ajouter des oignons aux marinades de viande ou de poisson : et pour cause, ils torpillent toute prolifération bactérienne.

Deux ou trois inconvénients mineurs, qui gagnent à être dépassés

Le goût de l’oignon est caractéristique et peut ne pas plaire à tout le monde. De la même manière qu’il se dissipe à la cuisson, l’odeur laissée sur les doigts au moment de la découpe disparaît aussi rapidement. Tout comme son goût typique, le facteur lacrymogène de l’oignon est une question de molécules. L’alliinase, l’enzyme libérée lorsque les cellules de la chair sont atteintes, est responsable de son goût, tandis qu’en libérant le bulbe, le thiopropanethial-S-oxyde provoque des larmoiements plus ou moins importants chez celui ou celle qui s’attelle à découper un oignon. La bonne nouvelle est que cette molécule est soluble dans l’eau. Aussi, pelez sous l’eau et rincez vos oignons avant de les émincer, vous devriez remédier à ce larmoiement quelque peu gênant.

L’oignon est définitivement un incontournable, tant dans votre cuisine que dans votre pharmacopée familiale. Disponibles toute l’année, frais et doux l’été en crudité, dorés l’hiver sur une pissaladière, préparés en soupe ou en sirop en cas de toux grasse, les oignons remportent, haut la main, leur titre de super-aliment.

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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