Voilà l’été !

Avec l’arrivée de l’été et sur les étals des marchés, quel plaisir de retrouver les fruits de saison, la plus abondante en la matière : d’abord les fraises et la rhubarbe puis les concombres et les tomates, qui sont des fruits, les cerises, les framboises, les abricots, les prunes et les figues, suivis des pêches, nectarines ou brugnons, des pastèques et melons, etc.

De l’intérêt à acheter et à consommer des fruits de saison

Les fruits n’ont pas l’exclusivité de pousser naturellement en saison. Tout le règne végétal fonctionne ainsi : légumes, champignons, alliums (ail, oignon, ciboulette, etc.), herbes aromatiques, fleurs comestibles, légumineuses, fruits à coque, olives, etc. Beaucoup se conservent une fois séchés, compotés ou empotés, surgelés, déshydratés ou encore saumurés, et peuvent être ainsi consommés toute l’année, jusqu’à épuisement des stocks et avant la nouvelle récolte.

Pourtant, une certaine logique commerciale consiste à répondre à la demande, qui génère l’offre, des consommateurs désireux d’avoir tout à disposition toute l’année, comme manger des tomates ou des fraises en hiver et des mandarines en été. Le prix sanitaire et environnemental est cher payé pour un produit qui n’a pas de goût.

Les effets délétères des fruits consommés hors saison sur la santé

Nous avons expliqué ailleurs que les fruits cultivés et consommés en pleine saison jouissent tout particulièrement d’une grande teneur en antioxydants. Ces molécules organiques ont des activités, comme leur nom l’indique, antioxydantes, mais aussi anti-inflammatoires et cardio-protectrices.

La consommation en pleine saison de fruits ayant profité d’une belle exposition à la lumière et d’une récolte à maturation aura une action de régulation du métabolisme. Ce dernier n’est autre que l’ensemble des réactions chimiques de l’organisme, qui lui permettent de se maintenir en vie et surtout, en bonne santé. Hors saison, les fruits cultivés, de fait et de surcroît, à partir d’une sur-sélection génétique et de traitements phytosanitaires, récoltés avant maturation, gazés et traités avant d’être stockés pour mûrir et/ou voyager auront, à l’inverse, des effets dérégulateurs. Or, on sait aujourd’hui qu’un métabolisme dérégulé a des chances de rapidement se mettre à dysfonctionner, jusqu’à entraîner obésité et pathologies associées.

En somme, la teneur en antioxydants, aux bénéfices avérés sur la santé, dépendra de deux facteurs : si les fruits poussent au bon endroit et s’ils consommés au bon moment.

Cultures fruitières hors saison et impacts environnementaux

Pour faire pousser un fruit en dehors de sa propre temporalité, l’agriculture conventionnelle use de traitements phytosanitaires, appelés aussi intrants. Il en existe toutes sortes : des engrais pour faire pousser dans des sols souvent appauvris, des herbicides pour lutter contre les autres végétaux, des pesticides contre les organismes nuisibles, des insecticides contre les insectes, des fongicides contre les champignons, des parasiticides contre les parasites, etc.

Ces substances, artificiellement introduites dans la nature, ne sont pas sans impacter les sols, les eaux et les airs lors de leurs pulvérisations et épandages. Les sols ainsi chargés voient leur biodiversité (végétaux, insectes dont les abeilles, etc.) s’appauvrir, comme tendent à l’être aussi les micronutriments naturellement présents, comme le magnésium notamment.

Hors saison, la chaleur et la lumière viennent à manquer. Pour y remédier, l’agriculture conventionnelle et biologique (depuis peu et sous certaines conditions pour la seconde) a recours à des serres qui sont, 24/24h, à la fois éclairées et ventilées, mais souvent aussi chauffées. Le gaspillage d’énergie est énorme. Par exemple, les tomates cultivées sous serre nécessitent 4,5 fois plus d’énergie et d’intrants que celles plantées en pleine terre et en saison.

Certains fruits sont climactériques, c’est-à-dire qu’ils continuent de mûrir après avoir été récoltés verts, avant maturité, grâce à un gaz accélérateur de maturation, l’éthylène. C’est notamment le cas des bananes et des avocats. Il est alors nécessaire de vaporiser une substance pour prévenir le pourrissement des fruits et une autre, appelée fongicide, afin qu’aucun champignon ne s’y développe.

Les fruits dits exotiques (bananes, mangues, papayes, ananas, avocats, etc.), provenant des territoires d’outre-mer, d’Amérique ou d’Afrique du Sud, nécessitent d’être réfrigérés le temps du trajet, en général, à bord de bateaux dotés de conteneurs climatisés. La dépense d’énergie est considérable. Chaque année, la France importe environ 3,2 millions de tonnes de fruits et légumes frais cultivés hors Union européenne. Prenez un kilo de pommes provenant d’Afrique du Sud. À lui seul, il requiert 5 litres de gasoil, soit 20 fois plus qu’un kilo de pommes cultivées en France. La logique commerciale, nous en parlions, est aussi celle du pot de yaourt aromatisé à la fraise qui peut parcourir plus de 9 000 km, si l’on prend en compte le trajet effectué par chacune des matières premières : fraises (Espagne), lait (Pays-Bas), sucre (Russie), fabrication du pot et du couvercle (Chine) ou encore, de l’étiquette (fabriquée en France !). Tout cela, pour arriver sur la table du consommateur parce qu’il le demande et qu’on lui offre.

Ces fruits du bout du monde sont, en outre, généreusement emballés pour être protégés des aléas des trajets, ce qui représente de grosses quantités de plastique. Sa fabrication comme son recyclage sont fortement énergivores, d’ailleurs, il n’est recyclable qu’une seule fois. Le plastique mettra environ 200 ans avant d’être intégralement dégradé, après avoir largement pollué Terre et mers (et leurs résidents).

Les fruits produits en France sont aussi, aujourd’hui, recouverts d’emballages plastiques dans la grande distribution, des fruits pourtant issus de l’agriculture biologique (qu’elle soit locale, européenne ou internationale). La stratégie a été décidée ainsi, afin de distinguer les fruits bio de ceux qui ne le sont pas. En termes de cohérence, il faudra repasser.

Des fruits locaux, par conséquent, de saison, bio et tant pis s’ils ne sont pas toujours très beaux

Vos fruits achetés sur les étals des marchés ou des épiceries, bio mais aussi paysans et même conventionnels, sont présentés dans leur plus simple appareil : sans emballage, plus encore lorsqu’ils sont produits et vendus par le producteur. Moins d’emballages, c’est, nous le disions, moins de déchets plastiques qui ravagent l’écosystème marin notamment.

Produits
localement,
vos fruits
auront aussi
la garantie
d’être cultivés
en saison et
requérant ainsi
moins d’intrants
sur les récoltes
donc, à terme,
dans les sols
et l’eau du robinet.

Achetés en saison, les fruits sont aussi moins coûteux, plus encore quand il n’y pas d’intermédiaires entre la production et la vente, en achetant directement au marché ou à la ferme. Il est préalablement requis de se familiariser avec l’idée de consommer une plus petite diversité de fruits, puisque chaque saison en offre certains, jamais tous à la fois comme commercialisés quasi annuellement dans la grande distribution. Le choix peut être aussi celui de la santé, de l’environnement et du porte-monnaie. Sans parler du plaisir, chaque année, de retrouver avec l’arrivée du printemps celle de vos fruits préférés, les uns après les autres à savourer, à chaque fois, avec un plaisir nouveau, qu’il soit des yeux, du nez et du palais. La flore intestinale est, certes, la dernière à en profiter, mais avec un joli bénéfice.

Le calcul est finalement assez simple pour aboutir à de multiples bénéfices, en mangeant des fruits cultivés localement, sans traitement et en saison : sanitaire, environnemental, économique, en somme, global. Il s’agit, progressivement :
– de (ré)apprendre à patienter, pour mieux profiter des bénéfices des fruits de saison,
– de (re)calculer leur coût réel, lorsqu’on intègre au prix de vente celui, exorbitant lorsqu’il s’agit de fruits traités et exportés, pour l’environnement (destruction de la biodiversité, asphyxie des sols, pollution des eaux) et la santé (empoisonnement des citoyens),
– de privilégier ceux issus de l’agriculture biologique et cultivés localement, pour plus de saisonnalité et moins d’intrants,
– de (ré)acquérir le réflexe d’emballer par vos soins ou ceux du producteur au marché ou à l’épicerie du coin dans des sacs réutilisables.

Quelques petites précautions physiologiques qui n’enlèvent rien au plaisir de savourer un « vrai » fruit

Ils sont excellents, attention toutefois à ne pas en manger en trop grande quantité dans la journée. Même si les fruits sont riches en nutriments et en fibres, ils le sont aussi en sucre naturellement présents, bien que leur indice glycémique reste modéré grâce à la libération par palier de leur matrice. À propos, préférez consommer votre fruit entier, afin de justement préserver sa matrice et tout ce qu’elle comporte. En réduisant vos fruits en compote et plus encore, en jus, en smoothie ou en confiture, vous vous priverez d’une partie importante de leurs fibres et de leurs antioxydants, qui agissent en synergie. Les fruits transformés devraient rester occasionnels et les fruits entiers, la règle. En somme, manger trois ou quatre fruits par jour est une bonne moyenne, toutefois, évitez-les au petit déjeuner, ainsi qu’à la fin des repas, afin de leur éviter de fermenter dans votre tube digestif après tout le reste du repas, sauf si celui-ci est digeste (à base de végétaux uniquement : légumes, graines, légumineuses, etc.). Le moment indiqué sera donc avant ou en dehors des repas, idéalement au goûter.

Ces fruits-là sont, en définitive, particulièrement goûteux du fait d’avoir pu profiter de ce que Dame Nature leur a donné : du soleil, de l’eau, des nutriments. Il y a ceux qui croquent et ceux qui fondent en bouche, ceux qui dégoulinent, ceux avec lesquels on joue à se parer (cerises) ou à jouer tout court (framboises au bout des doigts), ceux qui tachent les lèvres et les doigts, ceux qui, gorgés d’eau, rafraîchissent quand il fait chaud, les tous petits sucrés qu’on mange comme des bonbons, les plus acidulés qui font plisser les yeux. En somme, il y en a pour tous les goûts, qui sont dans la nature.

Nous terminerons par un clin d’œil, notamment pour nos lecteurs/trices locaux qui ne la connaîtraient pas, en présentant l’association lyonnaise RECUP & Gamelles. Engagée et active dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, RECUP & Gamelles collecte les fruits bio invendus pour les transformer, de manière artisanale, en (délicieuses !) confitures, afin de leur donner une seconde vie et surtout, de lutter contre le gaspillage alimentaire. La démarche est aussi solidaire, le prix de vente est très accessible, et pédagogique, en organisant toute sorte d’ateliers, animations et formations anti-gaspi pour tous les âges. Nous aimons, avec un gros pouce bleu.

Texte : Julie Lioré
Illustrations : Manon Radicchi

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