Croquez des amandes !

Les amandes cultivées en France représentent environ 5 % de la production mondiale et seraient de meilleure qualité organoleptique, selon les experts, que leurs semblables californiennes et espagnoles. C’est en Corse qu’elles poussent le plus, moins dans le Languedoc-Roussillon ou en Provence, qui était pourtant la capitale de l’amande au début du 20e siècle. Pour l’heure, les amandes sont encore dans leurs écales, leurs enveloppes cotonneuses vertes-clair agrippées aux branches des amandiers, le temps de se développer.

Nous parlerons ici des amandes douces, communément cultivées, commercialisées, consommées ou utilisées (pâte d’amandes, calissons, frangipane, pâtisseries orientales, sirop d’orgeat, etc.), et non des amandes amères, qui contiennent un hétéroside cyanogénétique, l’amygdaloside, qui les rend toxiques et utilisables uniquement à faible dose pour parfumer.

Pour beaucoup, les amandes sont associées au grignotage à l’heure de l’apéro, sous une forme transformée : blanchies, dont on a retiré la peau, grillées et salées. Ainsi, ce n’est généralement pas une poignée, mais plusieurs qui sont englouties. Ce n’est pourtant pas non plus sous cette forme qu’elles sont intéressantes, au contraire. L’ajout de sel les rend addictives et les avoir fait griller génère des composés responsables du vieillissement cellulaire, appelé phénomène de glycation.

Les manger avec ou sans leur peau fait débat. En cause, l’acide phytique, une substance naturelle contenue dans l’enveloppe qui les recouvre. Il est accusé, à juste titre, d’être chélateur (voleur) de nutriments ou encore inhibiteurs d’enzymes, mais rassurez-vous : qui mange suffisamment de végétaux riches en vitamines, en minéraux et en oligo-éléments n’a pas à craindre la peau des amandes. Au contraire, celle-ci est riche en fibres (12,5g/100g), en particulier insolubles, dont on sait les bienfaits : elles sont rassasiantes et comptent parmi les prébiotiques qui nourrissent le microbiote, facilitent le transit intestinal et contribuent à prévenir le cancer du côlon.

Dans leur plus simple appareil

C’est nature que les amandes sont le plus profitables sur le plan nutritionnel, mais aussi gustatif lorsqu’elles sont de qualité et plus encore cassées au fur et à mesure de la dégustation. Qu’elles soient sèches (fin août) ou fraîches (début juillet), alors appelées amandons, les amandes nature sont une manne de nutriments.

Les apports les plus intéressants sont ceux en potassium (668mg à 800mg/100g selon les sources), permettant un bon équilibre sodium/potassium, en calcium (250mg/100g), quand les amandes ont conservé leur peau, et en vitamine E (14,6mg/100g), un puissant antioxydant freinant l’oxydation de leurs lipides et ralentissant le processus de vieillissement des cellules de l’organisme. Notons que la vitamine E est perdue lors de la torréfaction pour les faire griller.

Les amandes sont aussi riches en magnésium (232 à 270mg/100g), dont la plupart d’entre nous sommes sévèrement carencés. À quelques milligrammes près, amandes et chocolat noir (au moins 70%) ont la même teneur : les associer répondra à vos besoins quotidiens, dans la mesure du raisonnable. Les amandes sont aussi bienvenues à l’heure du goûter pour leur apport en tryptophane, un acide aminé précurseur de la sérotonine, neurotransmetteur précurseur à son tour de la mélatonine, l’hormone du sommeil.

Côté macro-nutriments, les amandes sont les moins riches en acides gras saturés (4g/100g) des oléagineux (fruits secs), d’où leur intérêt au goûter qui n’est plus l’heure des AGS, préférables aux premières heures du jour. Elles le sont en revanche en oméga-9 (34g/100g) et -6 (10g/100g), mais quasiment pas en oméga-3, comme peut l’être la noix de Grenoble. Leur teneur en protéines (entre 20 et 25g/100g) les classe en deuxième position de la catégorie « oléagineux », après les arachides : elles sont donc aussi bienvenues au petit déjeuner, qui gagne à être source d’acides aminés (protéines) et d’acides gras (lipides).

La science les a, en outre, déclarées favorables à la santé du cœur, de la cholestérolémie, aux vaisseaux en passant par la pression sanguine systolique.

Une poignée par jour

C’est la quantité idéale selon Denis Lairon, directeur de recherche à l’INSERM, qui ainsi individualise les besoins nutritionnels puisque chacun a sa paume de la main bien à lui/elle. D’ailleurs, cette unité de mesure marche aussi très bien avec nos besoins respectifs en chacun des macro-nutriments.

L’idée reçue selon laquelle les amandes « font grossir » n’est pas fondée, malgré un affichage calorique conséquent, sous réserve, nous le rappelons, si nécessaire, de ne pas en manger en grande quantité, grillées, salées ou enrobées de chocolat au lait et en toute fin de journée. L’indice glycémique négligeable des amandes comme leur indice PRAL de 2,29 sont autant d’arguments en faveur d’une consommation quotidienne. La Nature a bien fait les choses : une fois sèches, les amandes se conservent toute l’année dans un endroit sec et dans un contenant hermétique lorsqu’elles sont décortiquées, jusqu’à la récolte de l’année suivante.

Entières, en farine, en lait, en purée

Consommées entières, la matrice n’ayant pas été altérée, les amandes offriront toutes leurs fibres bénéfiques. En revanche, réduites en farine (outre son intérêt dans le cadre d’une cuisine sans gluten ou à IG bas et bien que coûteuse), les amandes auront perdu une grande partie de ces fibres.

Il en sera de même en purée. Sous cette forme, irrésistible nous sommes bien d’accord, Anthony Fardet, chercheur à l’INRAE et auteur du livre Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai, est d’avis qu’il s’agit-là d’un aliment « plaisir » plutôt que quotidien. D’abord, les fibres sont quasi détruites, ensuite, devinez combien d’amandes sont broyées pour remplir une cuillère à soupe bombée de purée – ce qui est très peu quand on en tartine sur son pain ? La réponse est que vous explosez votre quota d’amandes pour la journée. En outre, pour réaliser une purée d’amandes, qu’elle soit industrielle, artisanale ou maison, il est requis de torréfier les amandes avant broyage, ce qui facilite ce dernier, donne son goût à la purée d’amandes et, nous l’avons vu, entraîne une réaction de Maillard. Une marque bien connue des magasins bio, mais aussi la plus chère, sèche ses amandes au feu de bois ; à notre connaissance, elle est la seule à procéder ainsi. Ses fruits secs sont aussi broyés à basse température, là encore, c’est une exception. De plus en plus d’instagrameurs proposent leur recette maison, avec four et blinder : non seulement les amandes sont chauffées à la torréfaction avec l’un et au broyage avec l’autre, elles sont en plus réduites en purée à haute température, jusqu’à obtention d’une purée lisse (soit de longues minutes jusqu’à ce que les amandes aient rejeté toute leur huile), dans un blinder qui tourne à grande vitesse.

Notre astuce à l’attention des addicts de purée d’amandes, qui souhaitent limiter leur consommation ou bien changer d’habitude, est la suivante. Sur vos tartines de pain matinales, essayez donc de disposer quelques amandes entières à la place d’une couche de purée : c’est aussi bon, sinon meilleur ! Le moelleux du pain et le croquant des amandes rendent le premier moins glycémiant, en plus d’être une association à « index masticatoire élevée » (nous avons entendu de la bouche d’une experte cette formule savante, mais aussi parlante). Les amandes sont en effet un bon exercice de mastication en soi : après en avoir avalé une tout rond ou presque, vous penserez à suffisamment mastiquer les fois suivantes. À propos, il est déconseillé d’en donner aux enfants en bas âge pour ne pas risquer l’étouffement. Toutefois, leur donner, sous surveillance, une amande en leur apprenant à la grignoter petit à petit et bien mâcher à chaque bouchée, est une expérience à faire. Les amandes sont un super aliment à tout âge.

Quant au lait d’amandes, il est une alternative de choix au lait de vache pour qui ne souhaite pas en consommer pour x raisons et bien que n’ayant peu de nutriments en commun. Notre avis est que ceux du commerce ne sont pas intéressants, sinon en dépannage : un pourcentage d’amandes dérisoire, coûteux, ajout de sucre, etc. Il est pourtant si simple de faire son lait d’amandes maison, d’autant que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce, à prix très abordable, des systèmes fort ingénieux pour réaliser la chose en 5 minutes chrono (testé et approuvé) : un contenant, un filtre, un pilon, un mixer plongeant et le tour est joué. Reste à faire tremper vos amandes (ou autres noix) plusieurs heures, ce qui permet d’activer la germination, donc la reprise du développement de l’embryon contenu dans la graine qui, ainsi transformée, devient une petite bombe nutritionnelle : elle se gorge alors de vitamines, de minéraux, d’acides aminés, d’acides gras essentiels, d’enzymes, etc.

Deux autres (bonnes) raisons de faire son lait d’amandes maison sont, pour la première, de se réjouir du parfum du lait tout juste pressé embaumant dans la cuisine, la deuxième est la perspective d’utiliser l’okara pour préparer une douceur : biscuits, crackers, pâtisserie ou dessert express, en ajoutant à l’okara des graines de chia préalablement gonflées et un peu d’ingrédient sucrant : miel, sirop d’érable, fruits coupés, etc.

À l’École des Aliments, nous sommes fans de la diète méditerranéenne, qui compte les amandes entières et nature parmi ses encas et ses 13 desserts de Noël, une tradition provençale. Pour en consommer la bonne quantité, rien de tel que de vous procurer vos amandes en coque : le temps d’en casser une seconde, vous mangerez en conscience la première et ainsi de suite. Les acheter en vrac est très bien aussi, en gardant dans un coin de sa tête la quantité adaptée : celle que votre main pourra contenir.

 

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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