Du sucre, du sucre, encore du sucre !

La saveur sucrée est la première à laquelle nous goûtons en venant au monde, dans le lait maternel ou maternisé. Ce sucre est celui du lactose ou sucre du lait, l’un des nombreux sucres offerts dans la nature ou synthétisés par l’industrie agro-alimentaire et chimique. Si la nature apporte du sucre en petite quantité (canne à sucre, fruits, produits laitiers, miel) et de bonne qualité nutritionnelle (teneur en vitamines et minéraux, antioxydants), la culture et à travers elle, l’alimentation industrielle, a démultiplié son pouvoir sucrant (sirop de glucose-fructose) et raffiné ses nutriments (sucre blanc). Aussi le sucre aujourd’hui est partout ou presque, et souvent là où on ne l’attend pas (vinaigre, sauces salées, cordon-bleu, petits pois). Tout semble fait comme s’il fallait toujours un peu plus appuyer sur le bouton de la récompense, en produisant les mêmes mécanismes qu’une addiction, pour faire de l’adage « le sucre appelle le sucre » une inquiétante réalité.

Des sucres au pluriel

Nous le disions, sucre se conjugue aujourd’hui au pluriel. Difficile de s’y retrouver entre sucre simple ou complexe, complet ou raffiné, glucose et fructose, sirops naturels ou de synthèse, ajoutés ou pas et cachés, sans parler des déclinaisons des sucres de synthèse et autres édulcorants dits intenses. Défrichons rapidement.

Le sucre simple est celui qui donne à un aliment sa saveur sucrée, naturellement ou artificiellement : sucre de table ou saccharose, sucre complet, lait, fruits, miel, sirops et sucres de synthèse, etc. Les sucres complexes (amidons, fibres) sont ceux des céréales complètes ou semi-complètes, des légumineuses et des amylacées. Celles-ci, grâce à leurs fibres et sous réserve de ne pas être trop cuites ni de trop de petites tailles, diffusent le glucose dont l’organisme (cerveau, muscles) a besoin sur la durée. Les sucres complexes sont rassasiants. Raffinés en revanche, ils ne seront qu’amidon dépourvu de fibres et assimilés par l’organisme comme un sucre à index glycémique élevé. Parmi eux, on trouve les céréales les plus consommées, disponibles et familières : baguette et pain, pâtes, riz « blancs », céréales transformées, biscuits, gâteaux, pâtisseries fabriqués à partir de farines raffinées, biscottes et pain de mie, même enrichis en fibres. Tous n’apporteront pas de l’énergie sur la durée comme le permettent les aliments entiers.

Le sucre raffiné, lui, est celui à qui on a retiré la majeure partie de ses micronutriments (vitamines, minéraux, antioxydants, acides aminés et fibres). Il est le plus utilisé et pourtant le moins intéressant : il n’apporte rien d’autre que des calories vides. Le sucre complet est, à l’inverse, pourvu de ses micronutriments. Si lui n’est pas que calorie vide, le sucre complet a tout de même un IG élevé, au même titre que le sucre blanc, donc potentiellement à l’origine de dérégulations hormonales (contrôle de l’appétit et de la satiété) et métaboliques qui conduisent aux maladies dites d’industrialisation (diabète de type 2 notamment). Des travaux montrent néanmoins que sa teneur en minéraux – à condition d’en consommer raisonnablement – tend à prévenir les caries dentaires. Autres sucres complets, le muscodavo, le rapadura, le sucre de fleur de noix de coco. Attention au sucre roux, cassonade et vergeoise, élaborés à partir de sucre blanchi puis bruni au caramel. Double peine. Petit aparté sur le sucre coco. Certes riche en vitamines et minéraux, antioxydants et inuline (prébiotique, favorable à la flore intestinale), son index glycémique ou IG bas (35) vanté par le gouvernement des Philippines, principal pays producteur, a été revu à la hausse (54) par l’Université de Sydney, une référence sur l’IG.

Les fruits jouissent, eux-aussi, d’une image favorable. Or ceux d’aujourd’hui sont sélectionnés pour être de plus en plus sucrés. Ils sont donc de plus en plus riches en fructose, le sucre des fruits. Le fructose étant métabolisé par le foie, sa consommation invite à la modération pour prévenir perturbation de l’appétit et maladie du foie gras (stéatose hépatique non alcoolique ou NASH). Si vous consommez un fruit entier, sa matrice permettra de libérer l’apport en sucre sur la durée, contrairement à un fruit réduit en purée ou en jus qui entraînera, au contraire, un joli pic insulinique.

Quant au miel, lui aussi riche en fructose mais aussi en antioxydants, à consommation raisonnable, il n’y a aucune crainte à avoir en termes de désordres métaboliques, contrairement au fructose pur. Certes, il y a fructose et fructose ajouté. Il est ajouté sous forme de sirop de fructose pur ou pire, de sirop de glucose-fructose, appelé aussi et entre autres, isoglucose. Beaucoup moins cher et beaucoup plus sucrant que le saccharose, l’industrie agro-alimentaire en a mis partout : sodas, biscuits, gâteaux, pâtisseries industrielles, desserts lactés, glaces, etc. Il est avéré aujourd’hui que ce sirop, manne issue de la surproduction de maïs outre-Atlantique, est en partie responsable de l’augmentation des maladies dites de civilisation : NASH, diabète de type 2, obésité, maladies cardiovasculaires, voire neurodégénératives.

Les sirops naturels, type érable ou agave, sont aussi sources de sucre. Le premier est riche en saccharose (80 %), le second, très riche en fructose (90 %), ce qui tend à le rendre inintéressant, voire à éviter pour les personnes souffrant de faiblesse hépatique.

Nous passerons très rapidement sur les édulcorants de synthèse, quitte à y revenir à l’occasion d’un article ultérieur tant il y a à dire. Leurs effets délétères sur la santé ont été maintes fois démontrés. En troublant les messages envoyés au cerveau (calorie apportée, satiété, etc.), l’organisme « en manque » est poussé à manger davantage. Autrement dit, plus on boit de sodas édulcorés, plus on risque d’avoir faim et donc, de grossir. Sans parler des conséquences sanitaires des additifs associés à l’usage d’édulcorants.

Glycémie et insuline

La glycémie est le taux de sucre sanguin, l’insuline, l’hormone produite par le pancréas qui permet de réguler ce taux de glycémie.

La notion de sucre « lent » et de sucre « rapide » a enfin été reconnue comme étant obsolète. Il est bien plus approprié de raisonner en termes d’index ou indice glycémique, qui est la capacité d’un aliment à élever la glycémie dans le sang (temps T) pour 100g. Nous savons aujourd’hui que la structure physique ou matrice d’un aliment (sa texture, sa teneur en fibres, etc.) a un impact sur la rapidité à laquelle les sucres sont libérés dans le sang, et donc un impact sur la santé.

Toutefois, l’IG ou index glycémique a quelques limites, que la charge glycémique vient parfaire. Celle-ci prend en compte l’IG d’un aliment et la quantité que vous en avalez. Fort intéressant aussi, l’index ou indice insulinique, encore trop peu usité, qui consiste à indiquer la capacité d’un aliment à élever l’insuline, en somme l’augmentation réelle du pic d’insuline sécrétée après avoir consommé un aliment. Proche de l’IG, l’index insulinique peut donner des informations inattendues. Par exemple, sachez qu’un yaourt, qui contient des lipides, des protéines et des glucides, élève de fait peu la glycémie. En revanche, son index insulinique est le même qu’une friandise ou une barre chocolatée ! Index que vous augmentez encore un peu plus en sucrant votre yaourt. Consommés régulièrement, les produits laitiers fatiguent donc le pancréas.

Sucre en excès et santé

L’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, recommande de réduire à 10 %, voire à 5 %, ses apports quotidiens (AQR) en sucre, hors sucre naturellement présent dans les végétaux non transformés. Soit environ 25g par jour. Or en France, nous consommons en moyenne 100g de sucre par jour. La consommation de sucre par habitant est passée de 1kg par an en 1850 à environ 30 kg aujourd’hui, et l’accoutumance est telle, qu’un retour en arrière paraît illusoire, à moins d’apprendre ou de réapprendre à manger moins sucré. Une accoutumance qui engraisse le foie et le cerveau – le sucre est transformé en graisse dès lors qu’il n’a aucune utilité ou qu’il est en excès – mais aussi et surtout l’industrie du sucre.

Le sucre, consommé de manière régulière et excessive, serait à l’origine de 76 troubles associés, selon le Dr Mercola, spécialiste américain des effets du sucre sur la santé. Quant au Dr Lustig, il est catégorique : « Le sucre est une substance inutile et toxique. »

Le sucre acidifie l’intestin, un milieu naturellement alcalin, ce qui perturbe tant la digestion que l’absorption des nutriments. Cette perturbation se répercute jusqu’au niveau du système immunitaire. De nombreux symptômes peuvent se faire ressentir : problèmes digestifs, fatigue, douleurs articulaires, moindre résistance aux infections, etc. En somme, le sucre est un perturbateur de la satiété et de l’immunité. Mais pas seulement. Il entraîne une réelle accoutumance. Une consommation excessive de sucre entraînera un effet yoyo, tant physiologique que psychologique, pour ne pas dire un effet pervers : telle une drogue, la première phase est celle de l’excitation, du plaisir, de la récompense, de l’action (sous l’effet de la dopamine). Mais cette phase est éphémère. Vient rapidement celle de la chute : coup de pompe, hypoglycémie réactionnelle, stress, anxiété. L’organisme réclame alors encore du sucre, et de plus en plus, et c’est la porte ouverte à l’appel du sucre et au grignotage. Résultat, l’accoutumance est installée, le pancréas s’épuise, les dérèglements tant hormonaux que métaboliques s’établissent et les maladies d’industrialisation s’installent. Parmi elles :
– diabète de type 2
– maladies cardiovasculaires
– maladies du foie, dont la stéatose hépatique non alcoolique
– maladies neurodégénératives, voire formes de démences,
– excès de stress oxydatif et de glycation,
– altération du comportement : difficultés de concentration, somnolence, irritabilité, anxiété, augmentation hyperactivité, troubles de l’apprentissage, etc.,
– augmentation des risques pour certains cancers.

Consommé en excès et de manière régulière, le sucre est par ailleurs à l’origine d’une déminéralisation de l’émail dentaire qui, entre autres, favorise l’apparition de caries dentaires. Il est aussi, à terme, la cause de handicaps socio-corporels comme vivre en surpoids ou obèse et malade. Enfin il contribue grandement à l’accélération du vieillissement ou vieillissement prématuré (surtout si le sucre est consommé en excès le soir), en bloquant les hormones de croissance et leur travail nocturne de régénération cellulaire de l’ensemble de l’organisme.

En définitive, mieux vaut bien choisir ses glucides (en jetant un œil à leur charge glycémique notamment), bannir les sources de sucre synthétique et privilégier celles offertes par Dame Nature, entières, et en consommer avec modération. Quant à savoir comment manger moins sucré, voici nos conseils.

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