HVE, pour HEV le bio

Le label franco-français HVE, qui signifie Haute Valeur Environnementale, est aujourd’hui courant, notamment sur les bouteilles de vin mais aussi des volailles, des céréales ou encore des légumes. Il figure sous la forme d’un logo sur lequel on peut admirer une ferme, des arbres, un papillon et un grand soleil qui brille. Ce label, encore un, relatif aux produits alimentaires, a été pensé en 2007 par un agronome écologiste, puis présenté lors du grenelle de l’environnement de 2008, porté par les ministères de l’agriculture et de la transition écologique. Il a été légiféré et lancé en 2011.

La démarche, au départ, se voulait vertueuse, pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. L’idée était de permettre aux exploitations agricoles qui n’étaient pas bio de le devenir ou du moins, de réduire leur accoutumance aux produits phytosanitaires. Le label augurait alors un tremplin avec son cahier des charges moins strict que celui de l’Agriculture Biologique (AB). Mais, ça n’a pas eu l’effet escompté, au point que le « père » du label, Lionel Vilain, en a aujourd’hui « honte ». Voyons pourquoi.

Finger in the nose

Le label HVE a tôt fait d’être vidé de sa substance par les acteurs de l’agriculture conventionnelle et, malgré un resserrage de vis en janvier 2023, en supprimant l’usage de certains intrants chimiques « avérés » cancérigènes, mutagènes ou encore reprotoxiques, le label reste très peu contraignant et surtout, très facile à obtenir.

Autrement dit, les pesticides, herbicides, insecticides, raticides, fongicides, parasiticides et autres engrais de synthèse simplement « suspectés » d’être toxiques pour la santé humaine et celle de la planète sont parfaitement en règle avec le cahier des charges du label. Le sont aussi le recours aux serres chauffées et éclairées H24 sous perfusion de CO² pour faire pousser des tomates en hiver, l’usage de gaz pour conserver les fruits et celui de céréales OGM pour nourrir sa volaille en élevage intensif qui ne verra jamais la lumière du jour, ainsi que la culture hors sol, avec sa laine de verre et sa panoplie chimique.

Le terme « agriculture raisonnée » est, lui aussi, un tour de passe-passe. Pire, il ne veut rien dire. En effet, n’est raisonné que l’aspect économique de l’entreprise, qui arrête de gâcher des produits phytosanitaires coûteux, en appliquant juste la bonne dose.

Le label HVE censé représenter l’agroécologie, protéger la biodiversité et les sols vivants, en somme, garantir des pratiques vertueuses et récompenser des modes de production plus respectueux de l’environnement est, une fois le vernis gratté, une farce, pour qui a envie d’en rire. Le label reflète simplement la moyenne des pratiques agricoles françaises en conventionnel… déguisées en vert.

Emballé, c’est pesé

L’audit, pour obtenir le label, ainsi que les juteuses subventions et parts de marché qui vont avec, implique de cocher des cases pour être conforme à un référentiel, tout droit sorti d’un cabinet ministériel. Si ça coince pour l’une d’elles, le recours à quelques astuces est monnaie courante : ajouter quelques mètres de haie ou trois ruches et le tour est joué, ce qui revient à passer un petit coup de peinture verte low cost.

Le label qui tue

Ce « label trompeur », selon l’association Générations Futures, est, une fois qu’on l’a compris, une opération de greenwashing, stratégie marketing visant à communiquer auprès des consommateurs, en ayant recours à des arguments écologiques. Vide des valeurs qu’il brandit, il sabote en prime ce qu’il est censé protéger, comme les insectes pollinisateurs ou les nappes phréatiques.

Il tue à petit feu la biodiversité, mais aussi et surtout l’Agriculture Biologique. Pour écrire cet article, nous avons longuement échangé avec Hadrien, qui travaille dans l’un des magasins Biocoop de notre belle région cévenole et qui en sait un rayon sur le HVE, en plus d’être responsable de celui des fruits et légumes du magasin. Bref, il nous a donnés du grain (bio) à moudre et nous l’en remercions.

Selon Hadrien et d’autres acteurs de « la bio », la vraie, celle d’une agriculture paysanne respectueuse de la planète et de ses habitants, ce label HVE n’est autre que du bio-bashing ou dénigrement organisé, visant à discréditer la filière bio. En effet, les aides gouvernementales de la PAC (Politique Agricole Commune) ont déshabillé Pierre pour habiller Paul, en réduisant drastiquement les subventions attribuées jusque-là aux exploitations AB, pour généreusement subventionner celles labellisées HVE, avec les mesurettes que l’on sait.

Résultat, quantité d’éleveurs (porcins en particulier) ont été contraints d’abandonner leur label AB pour passer au conventionnel, le marché du vin estampillé HVE est en forte hausse et celui du bio en forte baisse, le marché du bio en général est en grande souffrance, avec un nombre record de magasins contraints de mettre la clé sous la porte ces dernières années. Le recul du marché bio est historique et la concurrence déloyale.

À qui profite le crime ?

Environ 80 % des exploitations viticoles, les plus grosses consommatrices de pesticides, sont aujourd’hui labellisées HVE. La plupart des producteurs industriels de tomates en hiver le sont aussi, malgré le halo de lumière rosée façon aurore boréale artificielle jour et nuit sur toute l’étendue de leurs exploitations, généralement des centaines d’hectares. Cette technologie, si c’en est une, permet de compenser la baisse de luminosité naturelle tout au long de la saison froide. Les oiseaux, aussi perdus que les consommateurs, se sont mis à chanter la nuit. Est-ce là la transition écologique ? Quant à la consommation énergétique sidérante de ces usines pour être alimentées H24, le label HVE n’a rien à redire. Quid ici de la transition énergétique.

Ce sont surtout certains industriels et la grande distribution (GMS) qui se sont emparés de ce label commercial, faussement écolo. La grande distribution qui, après avoir fait ses choux (très) gras avec le bio pendant une décennie, a trouvé un nouveau levier de croissance : le label HVE.

C’est la lutte…

Le réseau Biocoop boycotte tout bonnement ce label ni vert ni vertueux, comme d’autres enseignes bio. Plusieurs pétitions ont été lancées pour contrer ce label, par dessus le marché contraire au droit européen, dont Stop mépris bio, qui devrait atteindre 98 000 signatures sous peu. Un collectif composé d’associations de défenses des consommateurs, de l’environnement et de la santé, d’agriculteurs ou encore d’entreprises biologiques a saisi, en début d’année (2023), le Conseil d’État pour caractère trompeur du label HVE.

Et le consommateur dans tout ça ?

Comme les oiseaux qui se mettent à chanter la nuit en raison d’un éclairage nocturne pour faire pousser des tomates hors sol en hiver, le consommateur est confus : plus d’une centaines de labels et appellations différents, un logo designé pour mettre en confiance façon Douce France, à grand renfort de pubs (mensongères) pour dire que ces légumes-ci et ce vin-là sont bons pour sa santé et celle de la planète.

Certains commerces sèment des graines, d’autres, le trouble. Dupé, le consommateur achète, pensant bien faire. Voilà pourquoi le papa du label HVE originel parle aujourd’hui « d’arnaque, de vol, d’escroquerie et de mensonge ». À bon entendeur.

Texte : Julie Lioré
Illustration : Josephine Delannoy

Écouter cet article en audio (MP3)

Le télécharger au format PDF

———

Si cet article vous a intéressé et si vous souhaitez soutenir notre travail, nous vous invitons à le faire en faisant un don ponctuel ou mensuel via ce lien.

Ce sont vos dons et votre générosité qui nous permettent de continuer à produire des articles fouillés et sans publicité, téléchargeables en PDF et en audio au format MP3.

Un GRAND merci.