Des drones pour une agriculture plus propre

« Quel trichogramme l’a piquée ! », pourriez-vous, à juste titre, vous demander. L’École des Aliments serait-elle partie en classe verte, en mettant de côté ses grands sujets de prédilection ? Eh bien, pas tant que ça*. Nous allons tout vous expliquer.

Il y a peu, nous avons été sollicités pour parler d’un sujet qui nous est parfaitement inconnu : les drones. Quoi donc ? Ces jouets pour grands enfants ? Non. Ce moyen pas bien net de contrôler des foules ? Non plus. Une fois les idées reçues dissipées, nous avons cherché à en savoir plus. Des drones dans l’agriculture, tiens donc, que viennent-ils faire là-dedans ? S’agit-il de pulvériser par les airs des produits phytosanitaires, qu’on appelle aussi intrants dans l’agriculture, ces produits nocifs tant pour l’environnement que pour la santé ? Non merci. Mais, c’était sans prendre le temps de faire le petit pas de côté.

Ce pas de côté, nous l’avons fait grâce au co-fondateur d’une start-up ou « jeune pousse » en français, une entreprise innovante bordelaise. Peut-être a-t-elle été inspirée par la bouillie de la même origine ? Nous n’avons pas posé la question. Toujours est-il que cette start-up a eu une idée, une idée que nous avons trouvée, après coup, fort ingénieuse et dont nous avons eu envie de vous parler.

Cette start-up, c’est Reflet du monde, pionnière dans l’ensemencement de parcelles agricoles par drones. Il faut savoir que pulvérisation et épandage aériens de produits phytosanitaires sont interdits en France, exception faite pour les cultures en pente de plus de 30 %. Ils sont, en revanche, autorisés pour les produits dits verts : couvert végétal ou encore, nos petits trichogrammes dont on vous parlait pour commencer. De quoi s’agit-il ? Le couvert végétal est une pratique qui consiste à semer volontairement diverses espèces végétales choisies dans les cultures, plus précisément, entre les rangs de ce qui y pousse. Ainsi, les mauvaises herbes ne peuvent pousser, faute de place, et les herbicides chimiques (type Glyphosate), pour les détruire, deviennent inutiles. L’intérêt du couvert végétal est aussi une belle protection des sols contre l’érosion, une protection aussi des nappes et aquifères. Enfin, enfoui partiellement ou totalement, le couvert végétal enrichit le sol en matières organiques et en azote. En somme, cet engrais vert présente un potentiel d’atténuation du réchauffement climatique.

Parmi les espèces végétales qui composent ce couvert végétal, il y a le trèfle. En plus de porter bonheur quand on lui compte quatre feuilles, cette jolie petite plante herbacée de la famille des fabacées (que sont les légumineuses ! Vous voyez, pas tant que ça*.) est une merveille de la nature. Il pousse, nous le disions, à la place des vulgaires mauvaises herbes et ce, au ras du sol, donc sans risquer de faire de l’ombre ni de gêner la croissance des cultures. Le trèfle a aussi la particularité de capter l’azote de l’air, un engrais naturel, et de l’emprisonner dans ses feuilles. Ainsi, quand le trèfle est labouré avec le reste, l’azote reste sur place, dans la terre, et procure de l’engrais naturellement. Il n’est donc plus nécessaire d’en ajouter chimiquement. Pour terminer ce joli portrait, le trèfle permet de bien structurer la terre et ainsi, d’éviter un lessivage, c’est-à-dire le transport d’éléments (constituants du sol : argiles, ions, etc., mais aussi substances phytosanitaires) par l’eau de pluie en direction de la nappe phréatique lorsqu’il pleut à verse.

La moutarde est un autre engrais vert. Elle se sème en général en automne, après récolte. Cette petite plante, qui pousse très facilement, a notamment la particularité de désinfecter les sols en éliminant certains vers ou champignons nuisants, de capter, comme le trèfle, l’azote, d’étouffer les mauvaises herbes, tout en poussant partout et en résistant au froid et aux gelées légères. Quant à la phacélie, plantée en bordure de champ, elle nourrit les syrphes, des petites mouches dont les larves dévoreront les pucerons en tout genre. Trèfle, moutarde et phacélie sont enfin des plantes dites mellifères, autrement dit, des bienfaitrices pour les abeilles, en produisant de belles quantités de nectar et de pollen de bonne qualité accessibles aux abeilles.

Arrêtons-nous, pour terminer cette éco-présentation, sur les trichogrammes. Il s’agit de micro-organismes, sorte de petites larves (inférieures au millimètre) utilisées comme agents de lutte biologique. Un peu comme Kirikou, qui est petit, mais vaillant. Lâchés par un drone agricole sous forme de capsules sur un champ de maïs qui risque de subir les affres de la pyrale ou lépidoptère ravageur, nos petits héros maîtrisent ces papillons et autres chenilles foreuses capables de bousiller un champ en très peu de temps. Ils aident aussi les pommes et les poires à résister aux carpocapses des vergers, ces chenilles qui se développent dans les fruits.

Et les drones agricoles dans tout ça, que font-ils et le font-ils mieux qu’un tracteur ? L’intérêt d’un drone est qu’il voit les choses d’en haut et qu’il n’a pas à traverser un champ pour semer ou traiter en début, milieu ou fin de poussée, au risque de tout abîmer sur son passage. Commençons par sa caractéristique « imagerie aérienne ». En survolant les parcelles, un drone équipé de capteurs peut procéder à un diagnostic sur l’état de santé des plants : il enregistre des images de zones où ça pousse bien et où il y a des problèmes : manque de vigueur, présence de mauvaises herbes, zones de stress hydrique ou de développement de maladies, besoins de fertilisation, dégâts liés aux aléas climatiques, etc. Si l’un de ces cas se présente, il peut traiter avec précision, localement, sans avoir à asperger tout le champ, et ainsi limiter les quantités de traitements, verts ou pas. On parle d’agriculture de précision.

Un drone agricole peut aussi épandre, pulvériser ou larguer par le haut. En effet, semer un couvert végétal dans un champ de maïs à la date optimale, quasi au moment où les grains vont devenir pop-corn, est un jeu d’enfants (et nous retrouvons là notre idée reçue de jouet pour grands enfants). Pour peu que le sol soit humide et une fois que les longues tiges de maïs (de 1 à 3 mètres à terme) sont devenues bien difficiles d’accès, l’implantation d’un couvert végétal est une opération ardue à même le plancher des vaches. En revanche, un drone, et jusque tard dans la saison, aura aucune difficulté à accéder là où un tracteur ne pourra pas passer. Notons, pour terminer cette apologie, qu’un drone (sur arrêté préfectoral) sera à même de lutter contre une invasion de moustiques par exemple, en cas d’urgence sanitaire telle qu’une épidémie. Comme quoi, la technologie peut inquiéter, comme elle peut aussi, au contraire, rassurer.

Les drones trouvent, en définitive, toute leur place dans une agriculture en transition. Un second plan Ecophyto 2, co-piloté par les ministères de l’agriculture et de l’environnement, a pour objectif d’aller vers une réduction des produits phytosanitaires : réduire l’usage, les risques et les impacts d’ici 2020, de moins 25 % (puis 50 % à l’horizon 2025) le recours à ces produits dont on sait aujourd’hui les conséquences, tant sur l’environnement que sur la santé. Les choses semblent aller dans le sens d’une agriculture plus vertueuse, plus propre à l’aide de produits dits verts, tels que nous les avons vus avec leur drone attitré pour les épandre.

Garanti sans conflit d’intérêt !
En remerciant Patrice Rosier de m’avoir contactée, fait découvrir cette technologie et donné l’idée d’écrire cet article : )

Pour voir un drone agricole en vrai, regardez ceci :

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