À quel prix ? De quel prix parle-t-on ? Celui d’un avocat à la pièce, jusqu’à 2€ et plus en bio ou, au même prix, par 3 ou 4 au marché conventionnel du coin ? Si aux États-Unis, on parle de l’avocat comme le « beurre du pauvre », vu son bas coût outre-Atlantique, par chez nous, son prix évoque plutôt celui de la peau du nom vernaculaire du fruit, en langue aztèque, ahua qualt, qui signifie testicule. Nous parlerons ici du prix écologique, en bio comme en conventionnel, puisque les chercheurs d’or vert ont piétiné avec leurs gros godillots dorés le label bio. Ils l’ont tout bonnement contourné, sans le moindre complexe ni questionnement éthique, au prix, le leur, du profit à court terme.
Nous parlerons donc du prix que paient des villages entiers asséchés et des résidents réquisitionnés en eau. L’avocat a le vent en poupe, quels que soient les milieux et notamment les plus tendance, et pour cause, il regorge de qualités nutritionnelles : riche en acides gras essentiels et en vitamine E, en divers vitamines et minéraux. Sans parler de sa texture, de sa couleur et des perspectives culinaires qu’il offre. Seulement, sur le plan écologique, sa culture, par endroits du monde, est devenue un désastre environnemental. Le fruit pousse naturellement en milieu tropical, chaud et humide, au Mexique notamment. En revanche, dans les zones sèches comme au Chili, en Californie ou encore en Afrique du Sud, où la sécheresse fait déjà rage, l’hyper-culture de l’avocat assèche les terres et prive les locaux d’eau. Voisins d’oasis verdoyantes de plusieurs milliers d’avocatiers généreusement irrigués et privés d’eau courante, contraints à attendre chaque semaine les citernes d’eau réquisitionnée. Finis pour eux la petite douche quotidienne, l’arrosage du potager du jardin, les baignades dans les rivières où l’on plongeait tête la première il n’y a pas si longtemps. Pensez, pour produire 2,5 avocats, 1000 litres d’eau sont nécessaires. Dire que la pénurie d’eau menace désormais un quart de la population mondiale…
Nous pourrions aussi vous parler de leur transport, très, très énergivore, puisque les avocats, cueillis avant maturité dont le terme se fait après récolte, doivent parcourir des milliers de kilomètres emballés individuellement pour ne pas être choqués et dans des containers climatisés avant d’arriver, entre 20 et 30 jours après, sur les étals européens. Et avant d’être mûrs à point ou presque, ils passent quelques jours en mûrisserie, sous des aérosols de gaz (éthylène). Ils sont ensuite bien disposés, tous dans le même sens et calibrés à la bonne forme, sous peine d’être jetés, dans des cagettes, soit 52 fruits par minute, par des ouvriers agricoles aux trois-huit, rarement bien rémunérés pour leur travail harassant.
Quant aux avocats produits au Mexique, là où ils poussent depuis des lunes, le tableau n’est guère plus reluisant. L’hyper-production, tant la demande a explosé aux Etats-Unis, au Japon comme en Europe, la France en tête, génère aujourd’hui autant de gros sous que de déforestation, notamment de pins, et de crime organisé. Demande, production, prix au kilo en hausse vertigineuse, le cartel de la drogue local veut, lui-aussi, sa part du gâteau, du très gros gâteau : un hectare d’avocatiers peut rapporter plus de 5 300 dollars par an. Quant aux produits phytosanitaires requis pour davantage de productivité, mélangés aux millions de litres d’eau pour faire pousser le fruit à la mode, ils finissent leur course sous forme de résidus dans le foie et les reins des locaux, lorsqu’ils étanchent leur soif avec l’eau des nappes phréatiques contaminées.
Il n’est pas question ici d’appeler au boycott de l’avocat, mais peut-être d’en limiter la consommation et de préférer la pleine saison, soit entre octobre et avril. Et à choisir, privilégier la production en bio, même si elle n’est pas exempte de pesticides. Le cahier des charges de l’agriculture biologique que nous connaissons en Europe n’est pas international et il n’est pas inintéressant de savoir que sont autorisés en bio, en Amérique du Sud notamment, des produits phytosanitaires interdits en conventionnel en Europe. S’il est toujours et de plus en plus préférable de privilégier les fruits et légumes locaux et de saison, manger un avocat de temps en temps est non seulement bon pour la santé, mais aussi pour le plaisir des papilles. Méfiance toutefois, si l’avocat est vertueux, sa culture ne l’est pas toujours.
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À quel prix ? De quel prix parle-t-on ? Celui d’un avocat à la pièce, jusqu’à 2€ et plus en bio ou, au même prix, par 3 ou 4 au marché conventionnel du coin ? Si aux États-Unis, on parle de l’avocat comme le « beurre du pauvre », vu son bas coût outre-Atlantique, par chez nous, son prix évoque plutôt celui de la peau du nom vernaculaire du fruit, en langue aztèque, ahua qualt, qui signifie testicule. Nous parlerons ici du prix écologique, en bio comme en conventionnel, puisque les chercheurs d’or vert ont piétiné avec leurs gros godillots dorés le label bio. Ils l’ont tout bonnement contourné, sans le moindre complexe ni questionnement éthique, au prix, le leur, du profit à court terme.
Nous parlerons donc du prix que paient des villages entiers asséchés et des résidents réquisitionnés en eau. L’avocat a le vent en poupe, quels que soient les milieux et notamment les plus tendance, et pour cause, il regorge de qualités nutritionnelles : riche en acides gras essentiels et en vitamine E, en divers vitamines et minéraux. Sans parler de sa texture, de sa couleur et des perspectives culinaires qu’il offre. Seulement, sur le plan écologique, sa culture, par endroits du monde, est devenue un désastre environnemental. Le fruit pousse naturellement en milieu tropical, chaud et humide, au Mexique notamment. En revanche, dans les zones sèches comme au Chili, en Californie ou encore en Afrique du Sud, où la sécheresse fait déjà rage, l’hyper-culture de l’avocat assèche les terres et prive les locaux d’eau. Voisins d’oasis verdoyantes de plusieurs milliers d’avocatiers généreusement irrigués et privés d’eau courante, contraints à attendre chaque semaine les citernes d’eau réquisitionnée. Finis pour eux la petite douche quotidienne, l’arrosage du potager du jardin, les baignades dans les rivières où l’on plongeait tête la première il n’y a pas si longtemps. Pensez, pour produire 2,5 avocats, 1000 litres d’eau sont nécessaires. Dire que la pénurie d’eau menace désormais un quart de la population mondiale…
Nous pourrions aussi vous parler de leur transport, très, très énergivore, puisque les avocats, cueillis avant maturité dont le terme se fait après récolte, doivent parcourir des milliers de kilomètres emballés individuellement pour ne pas être choqués et dans des containers climatisés avant d’arriver, entre 20 et 30 jours après, sur les étals européens. Et avant d’être mûrs à point ou presque, ils passent quelques jours en mûrisserie, sous des aérosols de gaz (éthylène). Ils sont ensuite bien disposés, tous dans le même sens et calibrés à la bonne forme, sous peine d’être jetés, dans des cagettes, soit 52 fruits par minute, par des ouvriers agricoles aux trois-huit, rarement bien rémunérés pour leur travail harassant.
Quant aux avocats produits au Mexique, là où ils poussent depuis des lunes, le tableau n’est guère plus reluisant. L’hyper-production, tant la demande a explosé aux Etats-Unis, au Japon comme en Europe, la France en tête, génère aujourd’hui autant de gros sous que de déforestation, notamment de pins, et de crime organisé. Demande, production, prix au kilo en hausse vertigineuse, le cartel de la drogue local veut, lui-aussi, sa part du gâteau, du très gros gâteau : un hectare d’avocatiers peut rapporter plus de 5 300 dollars par an. Quant aux produits phytosanitaires requis pour davantage de productivité, mélangés aux millions de litres d’eau pour faire pousser le fruit à la mode, ils finissent leur course sous forme de résidus dans le foie et les reins des locaux, lorsqu’ils étanchent leur soif avec l’eau des nappes phréatiques contaminées.
Il n’est pas question ici d’appeler au boycott de l’avocat, mais peut-être d’en limiter la consommation et de préférer la pleine saison, soit entre octobre et avril. Et à choisir, privilégier la production en bio, même si elle n’est pas exempte de pesticides. Le cahier des charges de l’agriculture biologique que nous connaissons en Europe n’est pas international et il n’est pas inintéressant de savoir que sont autorisés en bio, en Amérique du Sud notamment, des produits phytosanitaires interdits en conventionnel en Europe. S’il est toujours et de plus en plus préférable de privilégier les fruits et légumes locaux et de saison, manger un avocat de temps en temps est non seulement bon pour la santé, mais aussi pour le plaisir des papilles. Méfiance toutefois, si l’avocat est vertueux, sa culture ne l’est pas toujours.
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