Kevin et Florent, spiruliniers passionnés

La spiruline (Spirulina platensis), une micro-algue couleur verte qui pousse en eau douce, s’est largement démocratisée ces dernières années. Et pour cause, elle regorge de bienfaits santé : antioxydante, anti-inflammatoire, immunostimulante, anti-allergique, détoxifiante, régulatrice de la glycémie et de l’excès de cholestérol, entre autres.

C’est Kevin et Florent, spiruliniers dans les Cévennes, qui en parlent le mieux. Écoutons leurs réponses à nos questions.

La spiruline a-t-elle sa propre saisonnalité ?

Oui, le soleil, les températures clémentes et la belle luminosité du pays cévenol, à partir du printemps (fin avril, début mai) et jusqu’au milieu de l’automne (octobre), favorisent la culture de la spiruline baignant dans des bassins et une eau à environ 30°C. Sous serre, la culture est ainsi maintenue à bonne température, mais aussi protégée d’autres cyanobactéries et de potentiels résidus toxiques contenus dans l’eau de pluie. En hiver, la spiruline reste vivante, mais elle ne se développe plus. Elle hiberne en somme.

En revanche, en tant qu’aliment à part entière dans de nombreuses cultures et, le plus souvent, de complément alimentaire en France, classé « aliment non transformé », la spiruline, une fois séchée et conditionnée, est particulièrement indiquée au début de la saison froide, pour soutenir l’immunité et donc prévenir les maladies de l’hiver.

Sous forme de brindilles, de poudre ou de comprimé, la spiruline présente la même composition. En revanche, les brindilles préservent la matrice de l’algue et sollicitent davantage les différents sens, ainsi que la mastication, ce qui leur confère un caractère plus nutritif, dans tous les sens du terme, qu’un comprimé avalé tout rond, à l’aide d’un liquide de son choix.

En outre, si les comprimés de Cevenn’algues sont conditionnés à froid, afin de préserver les composés bio-actifs de l’algue, et sans additifs, ce n’est pas le cas de tous les comprimés de spiruline. De même, les brindilles de la petite ferme sont séchées à basse température.

Quel(s) intérêt(s) de consommer une spiruline en culture sous nos latitudes, plutôt qu’en milieu d’origine et naturel ?

Les milieux naturels de la spiruline sont les chaudes latitudes des lacs en Inde ou au Tchad, en Amérique ou en Afrique centrale, ou encore à Hawaï ou à Bangkok. Ces environnements tendent à favoriser les bouillons de culture, qui posent, entre autres, le problème du développement d’autres cyanobactéries que la spiruline dans les bassins ou cultures à l’air libre. Or, toutes ces cyanobactéries, contrairement à la spiruline, ne sont pas saines et encore moins comestibles. Par ailleurs, la présence d’hydrocarbures dans ces lacs, dans lesquels circulent toutes sortes de véhicules motorisés, peuvent contaminer la précieuse algue, qui se nourrit de ce qui l’entoure.

Pourtant, la spiruline industrielle, celle qui, bien souvent, se retrouve dans les comprimés des grandes firmes et parapharmacies, est, le plus souvent, issue de ces surfaces gigantesques où les contrôles sont, de fait, assez peu garantis. En France, la pointilleuse réglementation (qualité de l’eau, teneur en métaux lourds, etc.), aux analyses nombreuses et régulières, garantit une plus grande qualité.

Le type de culture fait-il la différence sur la teneur en nutriments de la spiruline ?

Oui. Pour s’assurer qu’elle conditionnera seulement de la spiruline, et non pas d’autres cyanobactéries nocives, la culture industrielle a recours à un process appelé spray drying. Le contenu du bassin est alors aspiré, puis pulvérisé dans d’immenses silos sous forme de micro-gouttelettes chauffées jusqu’à 100°C, voire davantage, qui sèchent en tombant vers le fond et sous forme de poudre. La spiruline est, par conséquent, fortement altérée : elle perd non seulement ses antioxydants, mais en plus s’oxyde, voire fermente, vu l’énorme quantité qui finit entassée.

Kevin et Florent cultivent la spiruline de A à Z, en ensemençant, au début du printemps, les nouveaux bassins tout propres, en prélevant un peu de la culture précédente, comme on fait son levain ou du kéfir. La culture bat son plein ensuite, puis se stabilise vers le mois de juin. Il s’agit ensuite de prendre soin, de nourrir juste ce qu’il faut, sans sur-doser, de récolter, de conditionner, d’étiqueter, d’expédier, etc. L’éthique de la ferme étant basée aussi sur une faible consommation d’eau et d’énergie, ainsi que sur des ventes locales sur les marchés cévenols ou au sein de groupements de producteurs. La ferme propose aussi de vendre en ligne, ainsi qu’un blog et des recettes de cuisine.

La spiruline est très riche en protéines, une teneur variable selon l’heure de récolte, à savoir, avant le lever du jour, heure à laquelle les micro-algues synthétisent le plus de protéines. Cette teneur est aussi variable selon la souche (chez Cevenn’algues, une souche indienne nommée Lonar, du nom du lac qui les accueille, souche qui tend à muter avec le temps, comme tout organisme vivant). Les protéines de la spiruline ne sont pas aisées à maîtriser, contrairement à leur apport en fer, qui dépend grandement de l’alimentation qu’on leur donne. Toutefois, les surcharger en fer n’est pas des plus judicieux, le fer ayant un apport quotidien recommandé qui, dépassé, devient toxique.

Pour finir, quelle quantité de spiruline consommer ?

Un adulte en bonne santé gagne à prendre 3 grammes de spiruline en brindilles quotidiennement, soit une cuillère à café, ou bien 6 comprimés de 0,5 g chacun. De même, il est indiqué de faire des cures de trois mois et d’interrompre deux ou trois mois, puis de reprendre, plutôt qu’en consommer en grande quantité sur une courte durée : la spiruline sera moins bien assimilée et surtout gaspillée. Ce que le corps n’utilise pas, il l’évacue. Ainsi l’organisme ne s’accoutume pas et a de quoi tenir pendant les mois de pause.

Pour
les personnes âgées,
carencées ou
immunodéprimées,
les femmes
enceintes ou
allaitantes,
la posologie peut être augmentée.

Ne s’agissant pas d’un médicament et n’ayant, à ce jour, qu’une seule contre-indication connue et non négligeable (l’hématochromatose ou accumulation toxique de fer dans l’organisme), la consommation de spiruline est à adapter aux besoins de chacun.e et selon l’appétence pour la petite algue. Mieux elle est cultivée, meilleure au goût elle est. En outre, agrémenter ses préparations culinaires avec de la spiruline peut être l’occasion de colorier et de booster son alimentation.

Notre conclusion

Nous avons goûté les brindilles de la ferme cévenole pour la première fois un soir d’été 2020, au marché nocturne d’un splendide village (St Roman-de-Codière). Depuis une dizaine d’année que nous consommions de la spiruline, sous toutes ses formes, issue de petites fermes comme de très grosses implantées à l’autre bout du monde, aux couleurs, textures et saveurs très différentes, collant plus ou moins au palais, suscitant plus ou moins du plaisir, nous avons été séduits : celle-ci réunit tous les critères. Cultivée avec éthique et amour, goûteuse, non collante au palais, vendue à un prix juste, nous avons décidé de désormais renforcer notre système immunitaire pour l’hiver avec ces petites brindilles-là et vous invitons à les goûter, si ce n’est pas déjà fait.

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Note : L’École des Aliments assure ne pas avoir de conflit d’intérêt avec Cevenn’Algues, Kevin ni Florent, seulement de l’intérêt pour leur travail, leur spiruline et leurs réponses à nos questions.

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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