Vous avez dit cholestérol ?

Molécule essentielle, le cholestérol est depuis des décennies et encore aujourd’hui diabolisé. Pourtant, sans cholestérol, pas d’hormones indispensables à l’organisme, comme les hormones stéroïdiennes (cortisol entre autres) et sexuelles (œstrogènes, progestérone et testostérone), ainsi que le cholécalciférol, autrement dit, la synthèse de la précieuse vitamine D3. Sans cholestérol, pas non plus de perméabilité des membranes (l’enveloppe) de nos cellules, dont celles de notre système nerveux pour bien fonctionner, ni de synthèse des sels biliaires pour digérer correctement les graisses. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le cholestérol

Il est courant d’entendre parler de « bon » versus « mauvais » cholestérol. Ce n’est pas tout à fait exact ni aussi simple que ça. Le cholestérol est d’abord « endogène », c’est-à-dire que le corps le fabrique par lui-même, aux premières heures du jour. Et pas qu’un peu, puisqu’il en synthétise entre 50 et jusqu’à 80 %. C’est dire s’il en a besoin. L’alimentation se doit d’apporter le reste, soit environ 20 à 50 %. Ce cholestérol dit « alimentaire » est principalement métabolisé par le foie et les intestins, à partir d’aliments riches en acides gras saturés à chaîne longue, mais aussi en sucres (glucides simples).

 

Les autres lipo-
protéines :
– les chylomicrons,
qui assurent
le transport
des lipides,
cholestérol inclus,
de l’intestin vers
les autres tissus,
– les VLDL
(Very Low
Density Lipo-
protein
), de
très basse densité.

Cholestérols endogène et alimentaire sont, tous deux, une sorte de graisses (de la famille des stérols). Attention, toutes les graisses ne sont pas du cholestérol. Celui-ci, pour se déplacer sans encombre dans la circulation sanguine, a besoin de transporteurs, qu’on appelle lipoprotéines. Ce sont des protéines capables d’acheminer un corps gras dans un milieu aqueux (fait d’eau). Il en existe principalement deux, le LDL (Low Density Lipoprotein) et le HDL (High Density Lipoprotein). Le premier a une densité faible. Imaginez, pour vous faire une idée, un cyclomoteur chargé de faire un long et périlleux trajet, soit, de partir du foie pour aller vers toutes les cellules de l’organisme, afin de livrer leur commande de cholestérol. Ce sens là du trajet est sujet à l’oxydation et susceptible de générer, en passant, des réactions inflammatoires lorsque le cholestérol est en excès. Ces réactions sont à l’origine des plaques d’athérome ou « bouchons », autrement dit, d’accidents cardiovasculaires. Ce n’est donc pas le cholestérol qui est « mauvais » mais son transporteur, le fragile LDL, et seulement lorsqu’il reste bloqué dans les parois après oxydation.

Le HDL, à l’inverse, a plutôt le gabarit d’un char d’assaut. Il fait circuler le cholestérol en toute sécurité, cette fois, des cellules vers le foie. Ce dernier aura à synthétiser et utiliser le cholestérol dont il a besoin ou à le dégrader pour en éliminer le surplus, par la bile ou les selles. Ce transporteur, peu vulnérable, est donc à l’abri de l’oxydation, donc de dégâts cardio-vasculaires.

L’organisme a besoin des deux pour pouvoir transporter le cholestérol dans les deux sens. Le foie fabrique donc entre 50 et 80 % du cholestérol endogène et traite le reste, apporté par l’alimentation. Aussi est-il indispensable de prendre soin de son foie, en évitant de le charger et en le soutenant, plus encore en saison froide. Sachez qu’une simple bouillotte à son endroit, au coucher, lui apporte une aide très appréciée.

Suffisamment, mais pas trop

Un apport en cholestérol d’origine alimentaire inhibe la synthèse du cholestérol d’origine endogène : en petite quantité le matin est bienvenue, en grande quantité en fin de journée ne l’est pas. Où le trouver ? Le foie métabolisera, sous forme de cholestérol, un apport important ou régulier en sucres simples, provenant de produits ultra-transformés, raffinés ou encore d’alcools « blancs » et de bières, bien plus riches en sucre qu’on le pense. Le taux global de cholestérol augmente alors, avec le risque de basculer vers un excès de « mauvais » cholestérol sanguin, alias son transporteur fragile et chancelant, le LDL. Les ingrédients riches en sucres associés à d’autres, qui le sont en graisses trans ou saturées, avérées pro-inflammatoires, sont une véritable usine à cholestérol alimentaire.

Les acides gras trans peuvent être naturellement présents, en très petite quantité, dans les produits laitiers, la viande, le poisson ou encore, les fruits secs. L’industrie agroalimentaire a artificiellement recours à un procédé qui modifie la structure des huiles liquides, afin qu’elles soient moins sensibles à l’oxydation et solides à température ambiante. On les retrouve, en quantité réglementée et mentionnée sur l’étiquette en tant que « huiles ou graisses partiellement hydrogénées ou hydrogénées », dans les margarines et autres aliments ultra-transformés (AUT : viennoiseries, biscuiteries, pâtisseries, pizzas, fritures, sauces industrielles). Les recherches convergent pour alerter sur les conséquences, notamment cardio-vasculaires, d’une trop grande consommation de produits contenant ces acides gras trans industriels.

Les acides gras saturés à chaîne longue sont aussi riches en cholestérol. Il s’agit notamment des produits animaux, soit la viande, les abats, les laitages ou encore les œufs.

Un faux procès

Les œufs de poules traînent encore et toujours cette réputation tenace comme quoi, ils seraient mauvais pour notre santé cardio-vasculaire. Nous en sommes pourtant aujourd’hui revenus et même parvenus au contraire, dès lors que l’on part d’un principe très simple : manger de tout, en quantité raisonnable. En effet, la belle teneur en antioxydants des œufs de qualité (code 0 ou 1) leur permet de diminuer l’oxydation du LDL, le présumé « mauvais cholestérol ». Aussi, il est raisonnable de consommer 6 et jusqu’à 8 œufs par semaine pour un adulte, exception faite pour qui est atteint d’hypercholestérolémie familiale. En outre, si vous optez pour des œufs au petit déjeuner, vous court-circuiterez la synthèse de cholestérol, programmée aux premières heures du jour. Le soir, en revanche, les œufs sont inopportuns, puisqu’ils apportent du cholestérol à l’organisme, qui en a déjà suffisamment stocké à cette heure très avancée de la journée.

Attention aux régimes pauvres en graisses !

Notons qu’une alimentation pauvre en graisses, donc en partie en cholestérol, est néanmoins capable de bloquer quantité de mécanismes physiologiques et d’entraîner des dysfonctionnements, notamment hormonaux que nous avons vus en préambule. Les taux sanguins de HDL comme de LDL se doivent d’être ni excessifs, ni insuffisants. Certains régimes, méditerranéen ou végétarien notamment, riches en bonnes graisses, en polyphénols (antioxydants) et en fibres, sont tout indiqués pour parvenir à cet équilibre. On dit d’eux qu’ils sont hypo-cholestérolémiants, c’est-à-dire qu’ils favorisent l’élimination d’une partie du cholestérol via les selles, grâce à l’action des fibres. Le HDL est notamment favorisé moyennant un bon équilibre oméga-3/6, soit un apport en acides gras mono-insaturés (huile d’olive par exemple) et un autre en acides gras polyinsaturés (graines et noix). Quant au LDL, il est protégé de l’oxydation par les polyphénols des végétaux. Ainsi, les graisses en excès sont absorbées et les risques de maladies cardio-vasculaires grandement abaissés.

En définitive, le meilleur calcul concernant son taux de cholestérol n’est surtout pas d’avoir recours aux statines pour le faire baisser, voire l’inhiber, tout en continuant à manger gras et sucré, sans chercher à rééquilibrer son alimentation. Cette prescription, en plus d’être un contre-sens, n’est pas sans risque. En effet, il est avéré aujourd’hui que les statines, une famille de médicaments la plus vendue au monde, entraînent des effets secondaires sévères. Il ne s’agit pas non plus de bannir le gras de son alimentation, mais d’adopter un régime alimentaire diversifié et de qualité, associé à une bonne hygiène de vie. Ainsi, il ne sera plus question de « bon » ni de « mauvais » cholestérol, ni d’ailleurs de bien d’autres problèmes de santé.

Texte : Julie Lioré
Illustration : Manon Radicchi

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